CREDOF – Revue des droits de l’Homme
Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux
Université Paris Nanterre
Le CREDOF – Revue des droits de l’Homme publie une étude approfondie de l’ordonnance du TA (Tribunal Administratif) de Cergy dans le cadre de l’arrêt des traitements médicaux pour un patient âgé de 74 ans.
Actualités Droits-Libertés du 16 mars 2020
Arrêt des traitements médicaux pour un patient âgé
Quelques réflexions à propos de l’ordonnance du TA de Cergy, 18 février 2020, n° 2001274
par Camille Bourdaire-Mignot et Tatiana Gründler
De façon heureusement moins médiatique que pour l’affaire Lambert, des décisions médicales d’arrêt de traitement au titre de l’obstination déraisonnable continuent d’être soumises par les familles au contrôle du juge. Ainsi, le 18 février 2020, le TA de Cergy a eu à se prononcer en référé sur une telle décision prise à l’égard d’un patient âgé de 74 ans, pour lequel il a éprouvé le besoin de préciser que « la seule circonstance qu’un patient, âgé, soit dans un état de coma « profond » sans espoir d’amélioration ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite du traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable ». Si l’affirmation se veut rassurante, la motivation de l’arrêt soulève toutefois quelques interrogations sur l’impact de l’âge avancé du patient sur la décision d’arrêt des traitements ainsi que sur les véritables auteurs d’une telle décision.
Le 17 janvier dernier, un homme âgé de 74 ans fut admis en réanimation au centre hospitalier de Pontoise à la suite d’un accident vasculaire cérébral. Plongé dans un coma profond, le patient fut intubé et placé sous aide respiratoire simple. Considérant que la situation pouvait relever de l’obstination déraisonnable interdite par la loi, le médecin en charge de ce patient décida d’engager, le 23 janvier, la procédure collégiale prévue par le Code de la santé publique. Après plusieurs entretiens (23 et 29 janvier), au cours desquels une information sur la situation médicale du patient fut délivrée aux membres de sa famille, la réunion pluridisciplinaire réglementaire avec l’équipe de soins palliatifs et un médecin extérieur – le chef de service des soins palliatifs – eut lieu le 30 janvier. À son issue, il fut décidé à la fois une limitation des traitements pour l’avenir (absence de réanimation en cas d’arrêt cardio-respiratoire) et un arrêt des thérapeutiques actuellement fournies au patient (ventilation mécanique, alimentation et hydratation artificielles). Cette décision fut notifiée à la famille, conformément aux exigences du Conseil constitutionnel. Le fils du patient saisit alors en référé le tribunal administratif de Cergy afin qu’il enjoigne au centre hospitalier de suspendre cette décision, ce qu’il fit par une ordonnance rendue le 18 février 2020 , après avoir sollicité l’avis d’un expert.
Malgré une trame classique, qui inscrit cette décision dans le sillage de celles rendues antérieurement par le Conseil d’État relativement à l’arrêt de traitement au titre de l’obstination déraisonnable, l’ordonnance recèle quelques ambiguïtés qui méritent d’être levées ou, à tout le moins, soulignées.
Mis en ligne 22 Juin 2020 22:00