Plafonnement des frais bancaires: 60 millions de consommateurs dénonce une “trahison des banques”

Selon 60 millions de consommateurs, les banques ne respectent pas leurs engagements de plafonner les frais bancaires à 25 euros pour les personnes en difficulté financière.

Les banques ne respectent pas leurs engagements de plafonner les frais bancaires à 25 euros pour les personnes en difficulté financière.

Le constat va à l’encontre de celui présenté en mai dernier par l’Observatoire de l’inclusion bancaire … qui s’appuyait sur des chiffres émanant  des banques !

Selon 60 millions de consommateurs, les banques ne respecteraient pas leurs engagements de plafonner les frais d’incidents à 25 euros mensuels pour les quelque 3,6 millions de personnes en grande difficulté financière. Une mesure pourtant annoncée par Emmanuel Macron fin 2018, en réponse à la colère des gilets jaunes.

Pour le prouver, 60 millions de consommateurs et l’Union nationale des associations familiales (UNAF) ont demandé à 104 clients jugés fragiles financièrement de prendre rendez-vous avec leur conseiller et de répondre à une série de questions. Parmi eux, 13 sont interdits bancaires, 23 ont déposé un dossier recevable auprès de la commission de surendettement et 68 perçoivent entre 1000 et 1800 euros par mois qui subissent des frais d’incidents de plus de 40 euros mensuels depuis trois mois. Cette dernière catégorie est considérée comme “éligible” au plafonnement par l’association.

Résultat, “le plafonnement n’est pas mis en place pour l’immense majorité des clients noyés sous les frais pour incidents“, affirme 60 millions de consommateurs qui a testé huit réseaux bancaires (BNP-Paribas, La Banque postale, Société générale, LCL, Banques populaires, Caisse d’épargne, Crédit mutuel et Crédit agricole).

Dans le détail, 78% des interdits de chèques et des surendettés ne bénéficient d’aucune limite à leurs frais, alors qu’ils devraient y avoir droit automatiquement. Même chose pour 91% des clients ayant moins de 1800 euros de revenus et plus de 40 euros de frais pour incidents par mois.

Remboursement de frais :

Quelles réponses apportent les banques face à ces anomalies ? Cela dépend d’un cas à l’autre. 27% des clients ont obtenu le remboursement d’une partie des frais prélevés. “Ce qui n’est pas tout à fait la même chose que les plafonner. Car les frais, ponctionnés au-delà de toute raison dès que le découvert est dépassé, aggravent une situation déjà difficile”, explique 60 millions de consommateurs. Et les sommes restituées varient de 1,50 euro à 200 euros selon les clients qui se voient restituer 92 euros en moyenne.

D’autres conseillers bancaires ont proposé d’augmenter le découvert pour 25% des clients qui n’ont pas bénéficié du plafonnement des frais à 25 euros. Certains ont même proposé “une solution néfaste”. “Dans 10% des cas, le découvert a été par exemple supprimé, ce qui démultiplie le risque de frais”, note 60 millions de consommateurs.

Avant d’ajouter que “23% de nos clients ont souscrit des produits et services supplémentaires“. “Si certains peuvent se justifier (assurance habitation ou forfait téléphone moins chers), d’autres ne peuvent qu’aggraver leur situation“, insiste l’association, citant l’exemple d’une garantie contre les accidents de vie proposée à une dizaine de clients. Notons au passage que les clients en situation difficile face à un conseiller bancaire persuasif, se sentent contraint d’accepter ces propositions ubuesques.  Enfin 9% des clients n’ont eu aucune proposition de solution à leur situation durant leur rendez-vous.

Au final, le plafonnement des frais, pourtant obligatoire, n’a été que très rarement proposé, selon l’enquête de 60 millions de consommateurs. Si l’on peut s’interroger sur la représentativité de l’échantillon pris en compte, cette étude témoigne tout de même d’anomalies dans le dispositif.

Quand bien même l’échantillon ne serait pas représentatif, il témoigne du sentiment de la toute puissance des banques, d’un refus de se plier à toute décision – y compris de leurs propres engagements – qui irait à l’encontre de leur appétit de profit !

Une définition de “client en difficulté” encore floue.

Alors, comment expliquer une telle différence d’observation entre l’association et l’Observatoire de l’inclusion bancaire, dépendant de Bercy, qui assurait il y a quelques mois que les engagements pris par les banques étaient “appliqués”?

En réalité, le premier bilan publié par Bercy en mai s’appuyait sur les contrôles effectués par l’Autorité de contrôle prudentiel de résolution (ACPR). Or, cette instance pointait déjà deux problèmes majeurs. D’abord, les programmes informatiques des banques “n’étaient pas tous prêts pour le plafonnement”, explique 60 millions de consommateurs. L’autre souci réside dans le fait que personne ne semble “d’accord sur la définition même du ‘client en difficulté’“.

L’OIB reconnaissait déjà il y a cinq mois que des progrès étaient possibles, tout particulièrement en ce qui concerne les dispositifs de détection des clients considérés comme fragiles. “Des travaux restent à faire pour être sûr que l’on capte les bonnes personnes“, a également déclaré l’ACPR.

Ne manque plus que la bonne volonté des banques !…

Mis en ligne le 24 oct. 2019