Dans le cadre de la pandémie du CoViD-19 nous avons ouvert notre site à tout ce qui pouvait permettre à nos lecteurs d’y voir plus clair notamment au niveau des polémiques qui se sont faites jour concernant le traitement de la maladie. Nous présentons ici le dernier article, la dernière contribution avant l’allocution présidentielle de ce soir 20h02, intervention télévisée qui devrait, du moins l’espère-t-on, lever nombre d’inquiétudes et d’ambiguïtés.
Nous ne doutons pas qu’au-delà du seul côté médical du traitement le Président de la République abordera celui du déconfinement et ses enjeux économiques.
Le quotidien Le Figaro a publié une tribune recommandant d’appliquer le traitement prescrit par le Professeur Raoult, Directeur de l’IHU Méditerranée Infection de Marseille, tribune signée de trois sommités :
Fabien Calvo médecin, professeur émérite de pharmacologie à l’Université Paris-Diderot et ex-directeur scientifique de l’Institut national du cancer,
Jean-Luc Harousseau, médecin hématologue et homme politique. Spécialiste en hématologie, il a été président de la Haute autorité de santé de 2011 à 2015,
Dominique Maraninchi cancérologue et enseignant, nommé directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de février 2011 à août 2014. En 2014, il devient le premier Directeur Général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS)
A la suite de cette publication le 5 avril, par Le Figaro, Fabien Calvo a accordé, le 6 avril dernier, un entretien à Arnaud Benedetti de la “REVUE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE“ que nous reproduisons ici.
Fabien Calvo : « On oppose médecins chercheurs et médecins intuitifs, ce qui est absurde »
Revue Politique et Parlementaire – Vous venez de signer avec vos collègues les professeurs Maraninchi et Harousseau une tribune dans Le Figaro en faveur de l’administration sous prescription médicale du traitement associant hydroxychloroquine-azythromycine. Quels sont les éléments qui vous ont incité à prendre à cette position ?
Fabien Calvo – Cette tribune a été écrite en raison d’une incohérence dans l’autorisation actuelle de l’utilisation de ce traitement : en réanimation si les médecins le souhaitent. La proposition de Didier Raoult concerne les patients pendant la première phase de la maladie avant les manifestations sévères. Le diagnostic est proposé et s’il est confirmé le traitement suit pour faire disparaître la charge virale. Or, dans la situation actuelle les patients ne sont pas diagnostiqués par un prélèvement pour leur grande majorité et on leur recommande le confinement à la maison sans protection pour leur entourage en surveillant leur température et leur fréquence respiratoire. Il y a lieu de faire un diagnostic et de leur proposer, en particulier s’ils ne peuvent participer à un essai clinique, un traitement dont les risques sont connus des médecins.
Les patients et les médecins traitants ont besoin d’une attitude active raisonnée et raisonnable à mettre en œuvre avec les structures de soins.
RPP – Comment expliquez-vous les résistances qui semblent aujourd’hui s’opposer à l’élargissement de cette mesure ? Sommes-nous en retard d’une « guerre » ?
Fabien Calvo – Nous devons reprendre le contrôle d’une situation pandémique qui est d’ordre médical et sanitaire. Le développement et l’usage des tests diagnostics est une composante forte de cette réaction. Le confinement des patients avec des masques également. C’est une situation où les études randomisées apporteront des réponses mais le temps presse. Des données sur les résultats de l’IHU Méditerranée [NDLR : diffusées par le Professeur Raoult] sont déjà disponibles, des éléments expérimentaux montrent que ces médicaments ont une synergie dans l’inactivation virale… on se doit dans ces circonstances d’accompagner malades et généralistes dans un parcours de soins qui sera utilisé. On oppose médecins chercheurs et médecins intuitifs, ce qui est absurde. Dans le SIDA de nombreux traitements ont été validés sur la diminution de la charge virale. En cancérologie des nouveaux traitements ont été acceptés sans étude randomisée préalable. On doit s’efforcer de ne pas nuire en prenant des précautions et de tenter de modifier une trajectoire. Si ce traitement, dont le coût et la tolérance sont maîtrisables, s’avérait inefficace dans les jours prochains pour des situations similaires, il serait évident de l’arrêter.
RPP – La controverse est une donnée de l’histoire de la science. Ne craignez-vous pas que l’extrême médiatisation dont la confrontation autour de la chloroquine est l’objet ne nuise à la sérénité nécessaire du débat scientifique ?
Fabien Calvo – Il est légitime que la santé des patients dans cette situation d’incertitude soit au cœur des débats publics. Les scientifiques se trompent comme les autres. Les certitudes des uns s’opposent à celles des autres. La communauté scientifique n’a que peu manifesté son intérêt aux mesures testées en Asie en son temps.
L’égalité des citoyens face à la maladie est un sujet majeur qui doit être partagé.
La situation dans les EHPAD a été un électrochoc. Nous souhaitons seulement contribuer au débat public. Nulle volonté de confrontation dans nos propos.
Propos recueillis par Arnaud Benedetti pour la REVUE POLITIQUE ET PARLEMENTAIRE
Mis en ligne le 13 Avril 2020