La loi anti gaspillage a été adoptée par le parlement en janvier 2020. France Nature Environnement fait un point sur les éléments essentiels de la loi.
Que retenir de la Loi anti-gaspillage et économie circulaire ?
Polluer moins en économisant les ressources naturelles dans les phases de production et de consommation : tel est l’esprit général de la loi anti-gaspillage et économie circulaire adoptée par le Parlement en Janvier 2020.
Face au défi écologique que doit relever l’humanité, l’ambition est vitale. La loi anti-gaspillage et économie circulaire, elle, se révèle… gentillette. Si les mesures qu’elle met en place sont positives, elles ne permettent pas d’opérer le nécessaire revirement de nos modèles de production et de consommation.
Décryptage par France Nature Environnement.
Elle sert à quoi cette loi anti-gaspillage et économie circulaire ?
Le défi à relever est capital. Chaque seconde, 206 kg(1) de déchets sont déversés dans les océans. Chaque année, un.e français.e produit en moyenne 4,6 tonnes de déchets(2) et notre production de déchets a doublé en 40 ans.
Malheureusement, de tels chiffres, France Nature Environnement peut les égrener longtemps. Ils témoignent du désastre écologique et sanitaire que provoque notre économie linéaire : extraire des matières premières, produire des biens, consommer puis tout jeter génère d’importantes pollutions.
Contre ce gaspillage insensé, il s’avère urgent de passer à une économie circulaire, c’est à dire chasser l’inutile, produire des biens plus durables, réparables, dont les matières premières sont principalement issues du recyclage et ainsi réduire tant l’extraction de ressources naturelles que la production de déchets.
Cette ambition, l’Union européenne la réclame à ses États membres. Afin d’être en conformité avec les récentes évolutions du droit européen, le gouvernement Macron a mis en place en 2018 la feuille de route économie circulaire et vient d’adopter, en janvier 2020, la loi Anti-gaspillage et Economie Circulaire. Cette dernière affiche plusieurs ambitions telles que recycler 100 % des plastiques et diminuer de moitié la mise en décharge d’ici 2025.
France Nature Environnement a épluché les différentes moutures du texte, participé à des groupes de travail, rencontré de nombreux parlementaires et émis bien des propositions durant le processus de loi. À l’heure de son adoption, que faut-il en retenir ? Bilan.
1. Sortir du plastique d’ici 2040 ? La fausse révolution de la loi
Ce que dit la loi : Plusieurs dispositions visent à réduire notre dépendance au plastique. La mesure la plus médiatisée est que la France « se donne l’objectif d’atteindre la fin de mise sur le marché » des plastiques à usage unique d’ici 2040. Elle veut également « tendre vers 100 % de plastique recyclé » d’ici le 1er janvier 2025.
Les plus
– la France semble reconnaître la nécessité de mettre fin aux plastiques à usage unique.
– Pour les repas servis sur place dans les fast-foods, interdiction des contenants à usage unique (pas seulement en plastique) au plus tard au 1er janvier 2023, de même que pour le service de portage quotidien repas à domicile, à compter de 2022.
– interdiction progressive de certains produits en plastiques particulièrement problématiques en raison de leur impact dans la nature ou sur la santé(3).
– interdiction des films plastiques pour les fruits et légumes à partir de 2022.
Les moins :
– la loi n’inscrit pas dans le marbre l’interdiction des plastiques à usage unique d’ici 2040. Elle déclare seulement une ambition sur une échéance lointaine. Cet objectif devra faire l’objet d’une stratégie nationale, a priori révisable tous les 5 ans, pour déterminer avec les parties prenantes les mesures nécessaires pour y parvenir. Nombreuses et incertaines négociations en perspectives.
– Échéance repoussée d’un an (de janvier 2020 à janvier 2021) pour l’interdiction de certains plastiques à usage unique initialement prévues dans la loi EGAlim de 2018 (pailles, bâtonnets, couverts, piques à steak, couvercles des gobelets à emporter).
– Pas de quotas contraignants pour les producteurs afin de les obliger à utiliser des emballages réutilisables.
– pas d’interdiction à court terme des emballages non recyclables.
– pas d’interdiction des bouteilles en plastique de moins de 50 cl.
2. La consigne favorisée… de façon très floue.
Le contexte : La consigne, c’est payer un surplus pour l’emballage et être remboursé lorsque cet emballage est rendu. Les associations ont dû se battre pour que cette consigne ne s’applique pas seulement au recyclage de bouteilles en plastique et canettes mais qu’elle inclut aussi la consigne telle que la pratiquaient nos grands-parents : ramener ses contenants pour qu’ils soient réemployés après un simple lavage. Ce réemploi se révèle bien moins énergivore que le processus de recyclage.
Ce que dit la loi : les collectivités territoriales ont jusqu’à 2023 pour améliorer la collecte des bouteilles en plastique et atteindre les objectifs de recyclage. Des expérimentations sont possibles dans les territoires volontaires pour mettre en œuvre des consignes pour recyclage ou réemploi.
Les plus :
– La loi vise à augmenter les taux de collecte pour recyclage(4) et ouvre des perspectives pour développer la consigne pour réemploi des bouteilles en verre.
Les moins :
– Si les collectivités ne parviennent pas à atteindre les performances attendues, le gouvernement “définira la mise en œuvre” du dispositif après concertation, ce qui revient à mettre en place un cadre très flou.
– pas de disposition créant une consigne pour réemploi obligatoire, notamment des bouteilles dans les cafés, hôtels et restaurants, comme France Nature Environnement le propose de longue date.
3. Des progrès pour prolonger la vie de nos produits
Le contexte : Recycler, c’est bien. Pouvoir continuer à utiliser un produit longtemps, c’est bien mieux. Puisque « le meilleur déchet, c’est celui qui n’existe pas », France Nature Environnement encourage particulièrement les mesures permettant de favoriser la réparation et le réemploi des objets. Si le texte était initialement très centré sur le recyclage, la mobilisation associative a permis d’inclure des mesures permettant de prolonger la vie des produits.
Les plus :
– la création d’un indice de “réparabilité” pour les équipements électriques et électroniques afin d’informer le consommateur au moment de l’acte d’achat. Un décret à venir fixera plus précisément les catégories d’équipement concernés.
– l’obligation d’informer le consommateur sur la non disponibilité des pièces détachées nécessaires à la réparation des équipements électriques, électroniques et des biens d’ameublement.
– la création d’un fonds pour soutenir le réemploi, destiné aux recycleries, ressourceries et autres structures de l’économie solidaire.
Les moins :
– Demande forte des associations, le fonds pour soutenir la réparation a été amputé d’une partie de notre proposition : nous souhaitions qu’il soit dédié à la prise en charge financière d’une partie des coûts de la réparation. Dans le texte, la formulation très vague ne garantit pas une aide directe aux consommateurs.
4. Matières premières et consignes de tri : la part belle à l’information
Le contexte : Afin d’assurer plus de transparence, la loi prévoit une série de mesures pour mieux informer le consommateur sur les matières utilisées et le tri des déchets.
Les plus :
– la création d’une obligation d’information des consommateurs sur un large panel de caractéristiques environnementales des produits, telles que l’incorporation de matière recyclée, l’utilisation de ressources renouvelables, la recyclabilité, la présence de métaux précieux ou terres rares, de substances dangereuses… Un décret devra préciser quels produits seront concernés.
– le Triman, ce petit logo précisant les règles de tri, est généralisé à tous les produits à l’exception des bouteilles en verre.
– Mesure très attendue, l’harmonisation des consignes de tri a été avancée à 2022 au lieu de 2025.
Les moins :
La transparence est très positive mais, lorsqu’elle est seule, elle comporte plusieurs limites.
– Risque de se perdre parmi des options de plus en plus diverses et des informations toujours plus complexes.
– Risque de dédouaner le producteur de ses responsabilités en considérant que l’information des consommateurs suffit à l’amélioration des pratiques. Un juste équilibre entre obligations des industriels et choix des consommateurs et consommatrices s’impose.
5. La volonté de renforcer la responsabilité des industriels doit être confirmée
Le contexte : Concernant la responsabilité des producteurs, il existe déjà une application du principe pollueur-payeur via des « filières REP » pour Responsabilité Élargie du Producteur. Ce dispositif, que la loi cherche à juste titre à renforcer, oblige les industriels d’une filière à mieux anticiper la fin de vie de leurs produits et les responsabilise sur les déchets qu’ils produisent. La loi vient d’élargir le périmètre de la REP en renforçant la prise en compte de la prévention. Ceci est une évolution prometteuse qu’il faut maintenant concrétiser via les textes d’application.
Les plus :
– Création de nouvelles filières REP pour les jouets, les articles de sports et de loisirs, les cigarettes, les articles de bricolage et de jardinage. Elles seront par ailleurs tenues de reprendre gratuitement un ancien appareil, vendu physiquement ou par internet.
– Très attendue, une filière REP sur les déchets du bâtiment est également créé à partir du 1er janvier 2022. Elle devrait permettre de financer plus de déchetteries, ouvrir gratuitement leur accès aux PME du secteur et ainsi lutter contre les décharges sauvages.
– Avancée très positive, la contribution financière des producteurs (dite « éco-modulation ») est modulée avec des critères allant au-delà du recyclage pour intégrer la prévention et donc l’amont de la chaîne de production via le réemploi, l’éco-conception… Elle peut donner lieu à des pénalités (un « malus » sur le produit, visible pour le consommateur) pouvant potentiellement s’élever jusqu’à 20 % du prix de vente du produit.
-La possibilité pour le gouvernement de fixer un “taux minimal d’incorporation de matière recyclée” dans certains produits ou matériaux est une bonne nouvelle mais beaucoup dépendra du décret à venir.
Les moins :
– Ces possibilités ouvertes nécessitent toutefois d’être précisées pour devenir applicables et concrètes, en particulier en changeant les cahiers des charges REP, soumises donc à la négociation des parties prenantes.
– Pas de mesures directement applicables pour lutter contre l’emballage inutile (le « suremballage ») en dehors des interdictions ponctuelles citées plus haut, ni de mesures fiscales pour décourager plus rapidement l’achat de produits jetables et d’emballages.
6. Des mesures pour un État (un peu) plus exemplaire
Le contexte : L’État possède un fort pouvoir de prescription. Rien qu’en 2014, la commande publique représentait à elle seule 10 % du PIB de la France.
Les plus
– À compter du 1er janvier 2021, la distribution gratuite de bouteilles en plastique dans les établissements publics de plus de 300 personnes sera bannie.
– À compter du 1er janvier 2022, l’État n’achètera plus de plastique à usage unique en vue d’une utilisation sur les lieux de travail et dans les évènements qu’il organise.
Les moins :
– Pas d’interdiction de toutes les bouteilles en plastique dans l’administration (et non seulement les gratuites)
– Contrairement à une version du texte prévoyant un minimum de 10% de produits issus du réemploi dans la commande publique, la version finale est plus vague, ces produits pourront aussi être issus de matières recyclés, ce qui risque de défavoriser les produits issus du réemploi.
7. Autres mesures à noter
– Enfin une interdiction de détruire les invendus. Le texte crée une obligation de réemploi (notamment via le don), de réutilisation ou de recyclage. Néanmoins, cette mesure reste assez vague, avec des exceptions possibles et des sanctions mal définies.
– Une occasion manquée pour réguler la publicité et une absence de volonté politique face à un gâchis flagrant : les prospectus non souhaités. Ce sujet illustre l’esprit de cette loi : le renforcement des sanctions en cas de violation d’une étiquette “Stop pub” sur une boîte aux lettres n’est pas une mauvaise chose… Mais il serait plus ambitieux et efficace d’en inverser la logique. En effet, France Nature Environnement proposait le passage à une règle selon laquelle la publicité en boîte aux lettres est tacitement interdite. Le citoyen souhaitant en recevoir devrait alors mettre une étiquette « Pub acceptée », ce qui permettrait d’en ajuster les quantités imprimées et d’éviter le gaspillage de ces papiers qui partent le plus souvent à la poubelle sans même avoir été lus.
Bilan ? Bien et en même temps pas assez.
Cette loi anti-gaspillage et économie circulaire contient de nombreux points positifs, notamment une meilleure information des consommateurs et un périmètre élargi pour le principe pollueur-payeur applicable aux producteurs. En même temps, elle peine à initier un réel changement de système. De plus, beaucoup d’avancées restent facultatives et/ou nécessitent, pour être effectives, des mesures complémentaires tels des décrets. Cela rend incertaine l’atteinte des objectifs fixés. France Nature Environnement suivra comme à son habitude de très près ces textes d’application.
Enfin, cela n’aurait pas de sens de voter une loi sur l’économie circulaire et “d’en même temps”, promouvoir un Pacte productif incitant à consommer toujours voire plus de ressources.
L’avertissement des scientifiques doit être entendu : la moitié des points de basculements qui pourraient entraîner la planète vers un désastre irréversible ont été activés rappellent-ils dans un article de Nature.
Pour France Nature Environnement, économie circulaire et sobriété écologique doivent être le fil rouge de toutes les actions du gouvernement.
1 Chiffres Surfrider fondation Europe – 2014
2 Source : ADEME, chiffres clés 2016
(3) En 2021, les récipients et gobelets en polystyrène expansé (boîte à Kebab). En 2021, les plastiques “oxo-fragmentables” autres que les sacs (déjà interdits) qui se désagrègent sans vraiment disparaître, tiges pour ballon, confettis. En 2022 les sachets de thé et tisane et les jouets dans les menus enfants des fast-food ; et en 2028 les microbilles dans les produits cosmétiques ou de nettoyage.
(4) L’objectif fixé par les textes européens est un taux de collecte de 77% de bouteilles en plastique en 2025 et de 90% en 2029.
Mis en ligne le 11 févr. 2020