Si vous ne vous intéressez pas à la religion …
LA RELIGION S’INTERESSE A VOUS !
Ci-dessous, la tribune que le Comité Laïcité et République vient de consacrer à cette inquiétante nouvelle :
Une « sorte d’Erasmus » instituant de fait un contrôle religieux au sein de l’UE.
Le Comité Laïcité République alerte les laïques et les sécularistes européens sur les manœuvres en cours destinées à imposer un contrôle religieux au sein de l’UE.
Mme Federica Mogherini, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a annoncé « avec fierté » le vendredi 6 septembre 2019, devant 150 représentants de la société civile, de gouvernements et d’institutions religieuses, une initiative intitulée « Échange global sur la religion dans la société », qu’elle a présentée comme « une sorte d’Erasmus pour les acteurs de la société civile, qui travaillent sur la foi ».
Ce programme a pour but de « favoriser les exemples de coexistence entre les peuples de différentes religions dans des sociétés plurielles » et de créer un réseau de personnes et d’associations « qui travaillent sur le thème de la foi et de l’inclusion sociale » (on notera le rapprochement surprenant entre les deux notions).
Cette annonce a fait l’effet d’une bombe et l’onde de choc qu’elle a créée ne s’atténuera pas de sitôt. D’autant qu’il s’agit d’aller très vite, pour une mise en place dès 2020, en consacrant à ce projet 1,5 millions d’euros immédiatement. On notera d’ailleurs que ces financements et tous ceux qui suivraient concernent seulement les croyants, au détriment des autres Européens, lésés par ces dépenses.
Mme Mogherini, pour préparer cette annonce, s’est appuyée sur le travail d’une ONG britannique, « Lokahi », financée par l’UE pour produire deux rapports aux titres édifiants :
- Construire une plate-forme internationale d’échange de l’Union européenne sur la religion et l’inclusion sociale ;
- Islam, diversité et contexte.
Le journal Marianne donne dans un article récent (https://www.marianne.net/societe/l-union-europeenne-lance-un-erasmus-des-religions-farouchement-anti-laïque) des extraits de ces rapport.
Sa lecture laisse peu de doutes sur les attendus, les présupposés et les objectifs de l’initiative Mogherini.
Voici ci-dessous quelques phrases extraites des rapports de Lokahi.
Rapport Construire une plate-forme internationale d’échange de l’Union européenne sur la religion et l’inclusion sociale :
Le rôle vital et important des religions dans le monde ;
Définir un nouveau paradigme d’engagement avec la religion dans l’Union européenne ;
Laisser aux religions le soin de collaborer avec les pouvoirs publics pour trouver des solutions pratiques aux problèmes majeurs, globaux et d’intérêt commun ;
Ajouter un engagement religieux ou un composant religieux à un travail traitant de problèmes qui ne sont pas explicitement religieux (par exemple la santé publique, le combat contre la corruption, la dégradation environnementale, l’emploi) ;
Les religions sont une force positive afin de promouvoir le respect pour la diversité et la coexistence ;
Envisager la plateforme de l’UE comme un moyen d’améliorer la capacité des jeunes citoyens européens à s’approprier et à être attirés par les idées religieuses inclusives.
Rapport Islam, diversité et contexte :
Parvenir à une société durable, inclusive, diverse religieusement ;
Faire de l’Europe un endroit dans lequel les musulmans peuvent vivre sans conflits excessifs avec leur pratique religieuse et leur identité ;
Les barrières à la participation égale à la société n’affectent pas seulement la présence des musulmans dans l’espace public, mais également leur identité fondamentale.
Les couvertures-mêmes de ces rapports sont effarantes, multipliant les photos de religieux de toute nature pour le premier et de fillettes et jeunes filles voilées pour le second.
Cette initiative est donc conçue comme une machine de guerre contre la sécularisation de nos sociétés, la liberté de conscience et l’émancipation et pour mettre en place un projet de réintroduction massive de l’autorité religieuse dans les sociétés européennes majoritairement athées ou agnostiques (plus de 56% des citoyens européens déclarent appartenir à l’une de ces deux catégories).
C’est aussi et plus précisément une bombe à retardement contre la laïcité, qui serait remplacée par l’interconvictionnalité, matrice d’une société dans laquelle les communautés religieuses se « toléreraient » mutuellement, sans place pour les autres, sauf à considérer la laïcité comme une religion de plus parmi les autres, religion bien faible d’ailleurs, puisque par nature sans clergé ni dogme.
On nous assurera sans doute que tout cela n’est qu’une réflexion collective qui produira au mieux des souhaits et des textes « non-contraignants ». Mais nous savons par expérience – et les déboires de la France devant d’obscures commissions de l’ONU tenues par les pays les plus intégristes du monde l’ont encore démontré récemment – que cette « soft law » (1) n’a qu’un seul objectif, se transformer en « hard law » (2).
Que se passera-t-il lorsque, à l’occasion d’une situation de faiblesse politique de la France, qui reste la vigie de la liberté de conscience dans l’Union européenne, les juges de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), voire ceux de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), se seront emparés de ces « recommandations » et autres « préconisations » pour créer une jurisprudence bien contraignante, elle ?
Que pourrons-nous faire face à la mise en cause de la neutralité des agents du service public, à l’exigence du respect du port des signes religieux ostensibles à l’école, à l’interdiction de critiquer les religions en réintroduisant le délit de blasphème, voire à la remise en cause de l’article 2 de la Loi de Séparation des Églises et de l’État de 1905 ?
Verrons-nous de nouveau les plus hautes autorités judiciaires du pays annoncer en baissant la tête qu’il faudra bien se plier à la « soft law » moghérinienne et les Assemblées modifier docilement nos lois, voire notre Constitution ?
Cette offensive n’est pas un hasard. Elle est le fruit du noyautage permanent des institutions européennes par les lobbies religieux et par les représentants diplomatiques des pays les plus rétrogrades de la planète.
La légitimité de Mme Mogherini dans cette affaire est pourtant doublement nulle et non avenue.
D’une part, elle fait partie de la Commission sortante et, la nouvelle Commission étant désignée, elle devrait se contenter d’expédier les affaires courantes, certainement pas de lancer des projets aussi radicalement et frontalement agressifs et diviseurs pour la majorité des Européens et pour des pays tels que la France.
D’autre part, même si un vague vernis international tente de rattacher cette initiative à l’action internationale que Mme Mogherini est censée mener, on voit bien qu’il s’agit avant toute chose d’un projet destiné à s‘appliquer à l’intérieur de l’UE et qui n’a donc rien à voir avec son domaine de compétence.
N’oublions pas enfin que le parcours de Mme Mogherini n’est pas sans lien avec de telles menées contre la liberté de conscience. Comme le rappelle sa biographie, « elle étudie les sciences politiques à l’université La Sapienza de Rome et obtient une laurea en soutenant un mémoire de philosophie politique sur le rapport entre la religion et la politique dans l’islam, rédigé pendant son séjour dans le cadre du projet Erasmus à Sciences Po Aix. » Et c’est bien entendu au sein de Sciences Po Aix et sous l’aile de M. Burgat, dans cette usine à fabriquer de la division communautaire et du soutien à l’islam le plus rétrograde, que s’est déroulé ce projet Erasmus.
Nous avons dans cette affaire l’illustration presque parfaite des effets à long terme du noyautage de l’UE par les religions, leurs représentants et leurs alliés les plus dociles et diligents.
Ce qui se passe avec le lancement de cette initiative est grave.
Le Comité Laïcité République appelle les pouvoirs publics et les citoyens laïques de notre pays, les laïques, les sécularistes et tous les démocrates européens à se mobiliser et à s’opposer à cette manœuvre dont le succès marquerait la fin de la liberté de conscience, de la liberté de penser, de la liberté d’expression pour les remplacer par la seule liberté qui semble importer à Mme Mogherini, la liberté religieuse et son contrôle sur la société.
(1) Loi mineure, sans intérêt, sans véritable pouvoir d’application, n’étant qu’une recommandation.
(2) Loi ayant un véritable pouvoir coercitif et s’imposant à tous les états membres.
Article publié le 12 oct. 2019