Médiapart publie un article ce 4 octobre 2020 ayant trait aux néonicotinoïdes signé Amélie POINSSOT “Les néonicotinoïdes, ces substances chimiques, que le Parlement s’apprête à réautoriser en agriculture, font l’objet de plusieurs centaines d’études scientifiques depuis vingt ans et leurs effets délétères ne font aucun doute, explique l’écologue Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS.”

Vincent Bretagnolle: «Il y a un consensus scientifique sur les néonicotinoïdes»

Vincent Bretagnolle fait partie des chercheurs en pointe, en France, sur les néonicotinoïdes. Entendu par une audition d’experts scientifiques organisée par le groupe EDS (Écologie Démocratie Solidarité) à l’Assemblée nationale le 21 septembre, cet écologue directeur de recherche au CNRS a créé et dirige depuis 1994 la « Zone Atelier », un vaste laboratoire à ciel ouvert de 450 km2 situé dans les Deux-Sèvres, constitué de champs d’agriculteurs où sont étudiées, entre autres, les populations d’abeilles.

“Le pouvoir destructeur de ces molécules sur le vivant est tel que la volonté actuelle du gouvernement de réintroduire l’usage des néonicotinoïdes dans la culture de betteraves sucrières apparaît comme un déni de réalité.”

Rappelons que cet insecticide systémique se présente sous la forme de semences enrobées.

Le projet de loi levant l’interdiction sur l’utilisation de ces produits, que l’ancien ministre de l’écologie Nicolas Hulot a appelé dimanche « à ne pas voter », est examiné à partir de lundi par les députés à l’Assemblée nationale.

Vincent Bretagnolle est à l’origine d’une expérimentation axée sur les effets des néonicotinoïdes sur les abeilles et plus particulièrement au travers de leur alimentation (un sirop .

Première expérimentation conduite sur les champs des agriculteurs et premier constat : le retour des abeilles à la ruche est extrêmement altéré à cause de la présence de néonicotinoïdes.

Deuxième constat : analysant les mêmes données un peu différemment – l’impact du thiaméthoxame sur le retour des abeilles à la ruche – a mis en évidence que plus la dose ingérée est élevée, plus le retour à la ruche est touché.

Pour répondre aux industriels qui tentaient des mesures de diversion et assuraient que les doses contenues dans le sirop de sucre donné aux abeilles étaient plus élevées que ce que l’on trouve en conditions réelles , des dizaines d’agriculteurs ont accepté de planter du colza enrobé de néonicotinoïde sur des milliers d’hectares, tandis que des ruches étaient disposées à des distances croissantes de cette zone (allant du centre même à plus de 10 km).

En conditions naturelles, le taux de retour à la ruche des abeilles est également très affecté, et la mortalité augmente avec l’âge des abeilles. C’est ce que l’on appelle les effets sublétaux ; ils n’avaient encore jamais été démontrés en nature.

Le plus surprenant, ce furent les résultats des dosages réalisés par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sur les prélèvements dans le jabot des abeilles [leur réservoir à nectar – ndlr]. L’ANSES n’a pas seulement détecté le thiaméthoxame utilisé par les cultivateurs de colza, mais également l’imidaclopride, un néonicotinoïde utilisé dans le blé, plus connu sous le nom de « Gaucho », alors qu’il n’y avait pas de champs de blé dans l’expérimentation. Une deuxième année d’étude est venue confirmer ce résultat extraordinaire.

Cela démontre la large diffusion des néonicotinoïdes ainsi que leur rémanence.

En réalité, si une partie du néonicotinoïde va dans la plante, l’essentiel va dans le sol et peut donc se retrouver dans les cultures suivantes. Alors que les fabricants annonçaient sur leurs produits quelques semaines de rémanence, on en est en réalité à plusieurs années.

Pour la première fois, il était démontré qu’il ne suffisait pas d’interdire un néonicotinoïde sur des cultures attractives d’abeilles pour leur éviter d’être contaminées.

Depuis, les observations se poursuivent, tous les ans, sur notre zone la “Zone Atelier” (expérience grandeur réelle et en pleins champs – ndlr) qui constitue un observatoire unique au niveau européen (l’observatoire Néonet).

Dans une synthèse de cinq années de données, publiée en 2019, il est relevé la présence de l’imidaclopride, en moyenne, dans 50 % des parcelles de colza, et certaines années, le taux est monté jusqu’à 96 %.

Pour en revenir aux abeilles, il a été constaté un taux de 50 % de mortalité sur 12 % des parcelles. Si l’interdiction des néonicotinoïdes est effective depuis 2018, il en a encore été trouvé en grande quantité en 2019.

Depuis 2015, le consensus est absolu sur les effets des néonicotinoïdes sur les abeilles et les invertébrés. Une étude récente montre également la présence de néonicotinoïdes dans des parcelles pourtant cultivées sans aucun pesticide.

Dans la mesure où au moins 80 % des néonicotinoïdes vont dans le sol, ils finissent par se retrouver dans les cultures mellifères que sont le colza, le tournesol, le lin… sans compter la diffusion dans les prairies et les fleurs sauvages.

Donc le fait que les betteraves ne fleurissent pas n’empêche absolument pas la contamination des abeilles, sauvages et domestiques.

Malgré toutes ces informations dont dispose le Ministre de l’agriculture, le gouvernement s’apprête néanmoins à réautoriser les néonicotinoïdes … sans aucune réaction de notre Ministre de l’écologie !

Mis en ligne le 04 Oct. 2020 20:00