En application du principe « pollueur payeur », les collectivités peuvent instaurer une tarification incitative (TI), qui lie le montant payé par les usagers à la quantité de déchets qu’ils produisent. Elle permet une forte diminution des ordures ménagères résiduelles tout en maîtrisant les coûts. La mise en place de cette tarification [NDLR : par les collectivités territoriales] est facultative.
En janvier2019, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) a publié une étude que le CTRC (Centre Technique Régional de la Consommation) Ile-de-France reprend en partie dans sa publication du 6 Juillet 2020.
Le tarification incitative des déchets ménagers n’est certainement pas l’alpha et l’oméga de l’écologie et les vertus que lui prête l’ADEME sont loin d’être évaluées correctement sur le moyen et le long terme voire prouvées. Comme l’ADEME le relève d’ailleurs, là où la TI a été mise en œuvre, se sont tout aussi vite enregistrées des mesures de contournement. Les décharges sauvages et autres incivilités en sont le triste témoignage !
En fait d’incitation, il s’agit une fois de plus d’une sanction qui frappe au portemonnaie, d’une mesure coercitive qui touchera plus ceux qui ont le moins.
Pour autant, nous ne saurions accepter de vivre dans une société qui multiplie le gaspillage alors que la moitié de la planète au mieux survit sous le seuil de pauvreté au pire, connait la famine et meurt de faim, dans une société qui ne se préoccupe pas ou trop peu de l’état de la planète que nous laisserons aux générations futures.
Nous avons donc décidé de reproduire ici l’intégralité de l’étude de l’ADEME ; à chacun d’en faire l’analyse et d’adopter en la matière un comportement responsable, un comportement citoyen. Les “Quelques conseils pour diminuer le volume de nos poubelles” en fin de l’article devraient nous y aider.

FINANCEMENT DE LA GESTION DES DÉCHETS

LA TARIFICATION INCITATIVE

Décrypter la facturation
de la gestion des déchets ménagers

Les communes ou les intercommunalités sont responsables de l’élimination des déchets ménagers. Elles ont le choix entre 3 modes de financement pour ce service : leur budget général, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ou la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM). Les modalités de ces financements sont en cours d’évolution, du fait de l’augmentation des quantités de déchets à traiter et des coûts.

Les différents types de déchets collectés

Les déchets ménagers sont composés :

  • de déchets recyclables secs (emballages plastique, verre, métaux, cartons, journaux…), de biodéchets et des déchets apportés en déchèterie pour être valorisés ;
  • des ordures ménagères résiduelles (OMR) qui ne sont pas jetées dans les poubelles de tri. Elles sont parfois appelées « poubelle grise ». Leur composition varie en fonction des types de collectes.

La mise en place des collectes séparées a permis de réduire la quantité des déchets enfouis ou incinérés, mais les « poubelles grises » contiennent encore 17% d’emballages recyclables et 44% de déchets évitables (grâce au compostage, à la prévention du gaspillage…) [étude ADEME MODECOM 2007].

 Le coût de la gestion des déchets

Les volumes de déchets à traiter augmentent régulièrement et les techniques de traitement se modernisent. Ceci s’accompagne logiquement de la hausse constante du coût de gestion globale des déchets : +5% entre 2012 et 2014.

COÛTS À LA CHARGE DES COLLECTIVITÉS EN 2014, POUR 80% D’ENTRE ELLES

 

Pour maîtriser ces coûts, il est important de réduire les volumes de déchets à collecter et à traiter.

Plusieurs modes de financement

La taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

Elle est payée tous les ans par tous les propriétaires (ménages et entreprises soumis à la taxe foncière) dans le cadre des impôts locaux, avec la taxe foncière. Elle est perçue par le Trésor public. Son montant dépend de la valeur locative du logement.

La TEOM peut être complétée par le recours au budget général de la collectivité (voir ci-après), mais ne peut pas coexister avec la REOM.

La redevance sur l’enlèvement des ordures ménagères (REOM)

Elle concerne uniquement les usagers du service. La collectivité calcule son montant pour chaque usager en fonction du service rendu, généralement estimé en fonction du nombre de personnes que compte le foyer ou par forfait. Elle est perçue par les collectivités ou bien par les groupements délégués pour la gestion des déchets ménagers (syndicat mixte, établissement public de coopération intercommunale [EPCI]).

Le budget général.

Il est alimenté par les impôts locaux. Le recours au budget général est possible si le coût de gestion des déchets dépasse le produit de la TEOM, ou si la collectivité n’a institué ni taxe ni redevance pour financer la collecte et le traitement des ordures ménagères.

Un nouveau mode de financement : la « tarification incitative »

La tarification incitative est l’introduction dans le calcul de la REOM ou de la TEOM d’une part variable qui dépend de la quantité et éventuellement de la nature des déchets produits par chaque ménage. Dans la plupart des collectivités, le calcul de cette part variable se fonde sur les ordures ménagères résiduelles produites.

La TEOM incitative est un impôt apparaissant sur l’avis de taxe foncière. Elle est perçue par les services fiscaux.

La REOM incitative est facturée à l’usager par la collectivité qui la met en place.

Elle peut être instaurée par les communes, les intercommunalités ou les syndicats qui gèrent pour les collectivités le service public de gestion des déchets.

Quelques chiffres sur les solutions actuelles

Une majorité de collectivités financent la collecte des déchets ménagers par le biais de la TEOM.

RÉPARTITION DES MODES DE FINANCEMENT EN FRANCE EN 2014

 

En janvier 2018, 190 collectivités avaient adopté une tarification incitative, ce qui concerne environ 5,5 millions d’habitants. 15 collectivités avaient mis en place une TEOM incitative et 175 une REOM incitative *.

Aujourd’hui, des études préalables à la mise en place d’une tarification incitative sont initiées dans de nombreuses collectivités.
* source : ADEME

Tarification incitative, mode d’emploi

Qu’en attend-on ?

Sa mise en place a pour objectif:

  • de réduire les volumes de déchets et donc de réduire les fréquences des collectes, ou du moins d’optimiser celles-ci ;
  • de maîtriser les coûts de gestion des déchets et de les rendre plus transparents pour les usagers comme pour les collectivités et plus proches du coût réel du service ;
  • de responsabiliser les usagers, en les incitant à réduire les déchets à la source et à mieux les trier ;
  • d’améliorer les performances des collectes séparées (emballages…) et de la valorisation des déchets (compostage…), en diminuant en particulier la quantité d’ordures ménagères résiduelles et limiter au maximum l’incinération et la mise en décharge.

Ce que ça va changer

Pour les usagers

Dans leur gestion des déchets

Pour profiter pleinement des effets de cette tarification, les usagers sont conduits à limiter les quantités de déchets qu’ils produisent ;

  • en réduisant les déchets à la source (achat de produits concentrés ou d’éco-recharges pour limiter les emballages, de produits durables, réparables, rechargeables, recyclables ou recyclés…) ;
  • en ayant recours au réemploi, au compostage individuel ou collectif ;
  • en triant les déchets et/ou en emportant ce qui peut l’être en déchèterie.

Ils sont également incités à sortir leurs poubelles seulement quand elles sont pleines.

Sur leur facture

Une part du montant de la facture est liée à la quantité de déchets présentés à la collecte. Un usager qui fait des efforts paiera moins qu’un usager qui n’en fait pas. La facture peut augmenter ou diminuer en fonction de la tarification déjà en place et des nouvelles modalités.

Pour la collectivité

La mise en place de la tarification incitative nécessite d’identifier chaque usager et de développer un système de comptage des quantités de déchets qu’il produit, pour lui facturer sa production personnelle. La gestion de ces données exige de la collectivité la mise en œuvre de moyens spécifiques.

Les différences d’organisation persistent (recouvrement par le Trésor public en cas de taxe, par la collectivité en cas de redevance), mais dans chaque cas il est nécessaire de disposer d’un fichier de suivi de l’utilisation du service par les usagers.

Les collectivités soumises à la REOM ont déjà un fichier des usagers du service public des ordures ménagères, mais la gestion de ce type de base de données est nouvelle pour les collectivités soumises à la TEOM.

Par ailleurs, le passage à la tarification incitative est une opportunité pour les collectivités de faire évoluer leur service de gestion des déchets : réorganisation de la collecte des déchets, mise en place ou amélioration de l’information des usagers sur la réduction des déchets, promotion du compostage individuel ou collectif…

L’organisation de la facturation

Le montant de la tarification incitative n’est pas directement proportionnel au volume de déchets. Elle est calculée sur la base d’une part fixe et d’une part variable.

  • Une part fixe. Dans le cas d’une TEOM incitative, cette part fixe est calculée en fonction de la valeur locative du logement (ou du commerce), comme pour la TEOM. Dans le cas d’une REOM incitative, c’est en général un forfait par foyer calculé en fonction du volume du bac, de la composition du foyer, ou des deux .
  • Une part variable, qui incite à une diminution de la quantité de déchets produits. Cette part est fonction de la quantité de déchets produits par l’usager. Dans le cas de la TEOM incitative, elle doit être comprise entre 10% et 45% de la TEOM totale.

La part variable représente en moyenne environ 25% de la facturation.

La TEOM incitative est payée avec la taxe foncière, comme la TEOM. Sa mise en place :

  • permet de conserver un financement de la gestion des ordures ménagères fondé sur la solidarité devant l’impôt: la part fixe reste appuyée sur la taxe foncière ;
  • introduit une logique de paiement du service rendu (part variable au prorata des quantités de déchets produits).

Pour la mise en place de la TEOM incitative, la collectivité doit travailler avec les services fiscaux.

Dans le cas de la REOM incitative, un même service génère un coût identique : des foyers produisant la même quantité de déchets paieront la même somme.

Les dispositifs techniques à adopter

La collectivité doit faire des choix techniques pour le type de collecte des déchets et la comptabilisation des quantités ramassées.

Deux dispositifs de collecte

En porte à porte

Des bennes de ramassage collectent les déchets en bac individuel ou en sacs.

En apport volontaire

Ce sont les usagers qui déposent leurs déchets à des points de collecte collectifs réservés à cet usage, soit directement dans des bacs collectifs, soit dans des « colonnes » d’apport volontaire. Les bennes de ramassage collectent les déchets apportés aux points de collecte.

Ces deux dispositifs peuvent être complémentaires sur un même territoire.

Quatre techniques pour comptabiliser les apports

Le nombre de présentation du bac d’ordures ménagères (bac à la « levée»)

C’est le cas le plus fréquent. Ce système implique des investissements pour l’informatisation des bacs (chaque bac doit être équipé d’une puce électronique) et des bennes de ramassage, ce qui permet de décompter le nombre de présentation de chaque bac. Ce dispositif incite à trier ses déchets et à ne sortir le bac que quand il est plein, ce qui permet d’optimiser les circuits de collecte. Attention à ne pas trop tasser les ordures dans les bacs, cela complique le ramassage.

Le volume du bac

Des bacs plus ou moins grands sont proposés à l’usager, qui s’équipe en fonction de ses besoins. Ce système ne nécessite pas d’informatiser les bacs et les camions. Il incite l’usager à trier ses déchets, mais ne l’encourage pas à diminuer le nombre de présentation de son bac à la collecte. Choisir un petit bac coûte moins cher mais accroît le nombre de passage de la benne de ramassage, ce qui peut au final augmenter le coût de la collecte.

La pesée du bac

Comme le dispositif «à la levée», il est coûteux à l’installation et à l’usage (bacs «à puce», dispositif de pesée sur les bennes, suivi informatique), mais il est très incitatif et transparent.

Les sacs prépayés

La facturation est faite en fonction du nombre de sacs achetés par l’usager. Ce dispositif suppose que les usagers n’utilisent aucun autre contenant. Il pose aussi des problèmes d’hygiène publique et de sécurité pour les agents de collecte. L’usage de ces sacs est à privilégier comme solution de production exceptionnelle (fête chez des particuliers…).

Les collectivités intègrent souvent deux ou trois critères dans la facturation (volume et nombre de présentations des bacs, et poids le cas échéant).

 Comment procéder en fonction de l’habitat ?

En habitat collectif, identifier les apports de chaque usager est plus compliqué qu’en habitat individuel. Mais une collectivité, quand elle passe à la tarification incitative, doit le faire pour tous, habitants des immeubles et des maisons particulières. Chacun doit pouvoir constater l’effet de son comportement sur sa facture.

En collectif, il est difficile de doter chaque ménage d’un bac personnel, par manque de place dans les immeubles. Plusieurs solutions sont envisageables :

  • des bacs collectifs regroupant les apports d’un petit nombre d’usagers (les habitants d’une cage d’escalier par exemple) ;
  • l’apport volontaire des déchets à des points de collecte munis de dispositifs d’identification, ce qui permet un suivi par ménage.
  • Dans les zones d’habitat dispersé, le rassemblement des déchets aux points d’apport permet d’optimiser la collecte des déchets (distances parcourues par les bennes de ramassage, fréquence des tournées). Si l’espace disponible y est suffisant, des bacs personnalisés que les usagers peuvent verrouiller et qui restent sur place permettent de comptabiliser les déchets de chaque ménage.

Les premiers retours d’expérience

Les conséquences de la mise en place d’une tarification incitative varient, parfois de façon importante, d’une collectivité à l’autre. On perçoit malgré tout des tendances générales.

Moins de déchets

Les collectivités constatent en règle générale une diminution importante du tonnage des ordures ménagères résiduelles et une augmentation des apports aux collectes séparées valorisables.

Les usagers ont ainsi davantage recours au compostage de leurs déchets organiques et les apports en déchèterie augmentent.

Des économies financières

Les collectivités peuvent mieux maîtriser les coûts de gestion des déchets grâce à ce type de mesures. Le surcoût de la nouvelle organisation (investissements informatiques et en matériel, mise à jour ou création des fichiers d’usagers…) est en théorie compensé par les économies réalisées (optimisation de la collecte, diminution des quantités de déchets à traiter…), mais on constate des disparités selon les territoires.

Les usagers constatent parfois un transfert des charges financières entre eux :

  • lors d’un passage de la REOM à la tarification incitative, la contribution des usagers peu utilisateurs baisse, celle des usagers très utilisateurs augmente ;
  • lors d’un passage de la TEOM à la tarification incitative, on constate plutôt un nivellement des contributions, avec une augmentation pour ceux qui payaient peu et une diminution pour ceux qui payaient beaucoup.

Des effets indésirables à rectifier

Les comportements destinés à contourner la tarification incitative existent, mais sont globalement peu importants. Ce sont essentiellement :

  • des dépôts sauvages et des brûlages illégaux ;
  • le compactage excessif des déchets (dans le cas de comptage au volume) qui ralentit la collecte et rend plus pénible le travail des agents ;
  • les dépôts dans les bacs d’autres communes ;
  • l’utilisation inappropriée des bacs de collecte séparée.

Même marginaux, ces comportements nécessitent une prise en charge rapide pour éviter qu’ils ne deviennent habituels : sensibilisation des usagers, surveillance et éventuellement amendes ou facturation des frais d’enlèvement des dépôts irréguliers.

Quelques conseils pour diminuer
le volume de vos poubelles

Acheter éco-responsable et lutter contre le gaspillage

Pour les produits courants, vous pouvez réduire la quantité de déchets :

  • achetez des produits en vrac, peu emballés, rechargeables, durables et réparables ;
  • inscrivez « Pas de publicité » sur votre boîte aux lettres ;
  • soyez vigilant sur les dates de péremption des produits alimentaires ;
  • adaptez les quantités achetées à vos besoins ;
  • cuisinez les quantités adéquates ;
  • utilisez les restes pour un autre repas.

Mis en ligne 09 juillet 2020 10:00