Ce lundi 25 mai sont ouvertes à Paris, au Ministère de la Santé, rue de Ségur, une série de négociations qui devraient s’étaler sur 7 semaines (au moins !) si l’on en croit le gouvernement.

Refonder le système de santé

L’enjeu ? A partir de la crise liée à la pandémie de Covid-19, saurons-nous en tirer tous les enseignements pour refonder notre système de santé.

Lorsque la CoViD-19 fut venue, le gouvernement se trouva for dépourvu ! Tout le monde aujourd’hui l’a bien compris ! Le Roi est nu !

Les médias se délectent : “Le Ségur de la santé” ! Et déjà, le Chef de l’État a dans cette appellation qui fait référence aux accords de Grenelle ayant mis fin aux manifestations de 1968, renvoyé l’image de sa volonté de mettre tout à plat. Qui en aurait douté ?

Le problème c’est déjà que ce “Ségur” peut aussi renvoyer à un autre “Grenelle” : celui, beaucoup plus récent, de l’environnement dont on mesure bien aujourd’hui qu’au-delà des constats partagés, de la mise en scène, de la dramaturgie des envolées lyriques, qui ont fait vibrer la planète durant quelques jours, les décisions et recommandations sont pour le moins restées sans lendemain voire dénoncées par ceux-là même qui les avaient avalisées par leur signature.

Cette appellation pour le moins présomptueuse n’est nullement une incitation à faire mieux qu’en 1968 ! Elle cache mal une volonté de créer un écran de fumée destiné à étouffer les revendications qui grondaient de plus en plus fort à l’Hôpital et son proche environnement avant la pandémie et qui pourraient bien provoquer un séisme au sortir de la CoViD-19. C’est donner aux participants l’illusion de l’importance incommensurable de leur rôle … pour qu’ils se montrent sages et raisonnables.

Depuis une vingtaine d’années, les soignants tiraient tous la sonnette d’alarme : nous allions droit dans le mur ! Mais le mur ne renvoyait pas d’écho !

Droite et Gauche confondues se sont appliquées à essayer de rendre l’Hôpital rentable. La Cour des Comptes est venue leur apporter son soutien avec constance, ne cessant de plaider pour la transformation de l’hôpital en entreprise, la tarification à l’acte, la suppression massive des lits, la compression des salaires du personnel médical.

Nul n’y est vraiment parvenu ! Et pour cause : doit-on parler de rentabilité quand il est question de santé ? Ne faudrait-il pas réfléchir plutôt à ce que l’on attend de notre système de santé, aux moyens à mettre en œuvre et à leur efficience ? A une rentabilité immatérielle ?

Un système de santé en ruine !

En revanche, de tours de vis en réductions de moyens humains, en diminution de crédits, en manque de matériels et de médicaments, en fermeture d’établissements, … Gauche comme Droite ont réussi le tour de force de mettre dans un état piteux un système de santé qui jusque-là apparaissait au monde entier comme un modèle. 

Avec la pandémie du Covid-19, nous avons pu mesurer les résultats dévastateurs de cette politique.

[Dans cette même veine, nous parlerons dans un autre articles de ce qu’il se passe à la Sécurité sociale et qui est tout autant dramatique !]

Non qu’auparavant la gestion des établissements ait été exemplaire, loin de là ! Trop de professionnels dépensaient sans compter, persuadés que “l’intendance suivrait”, sciant par-là, petit à petit les branches de l’arbre qui les nourrissait, donnant à l’envie des arguments à tous ceux qui avaient pour seul objectif le « toujours moins d’état », se complaisant dans des partenariats Publics-Privés … mettant les moyens, notamment les investissements, du Public au service du Privé qui lui n’avait pour objectif que la rentabilité, le profit.

Les mêmes qui un jour, par hasard, était accueillis à l’Hôpital et découvraient combien les soins qui leur étaient prodigués et les personnels autour d’eux étaient géniaux !

C’est dans ce contexte que le Président de la République a fait la promesse « d’un plan massif d’investissement » pour l’hôpital, de ce fameux “Ségur”.

Un plan massif d’investissement

Le menu est alléchant :

  • Revalorisation des carrières et développements des compétences et des parcours professionnels à l’hôpital et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
  • Plan d’investissement et réforme des modèles de financement ;
  • Mise en place d’un système plus souple, plus simple, plus en proximité, en revalorisant le collectif, le sens de l’équipe et l’initiative des professionnels ;
  • Mise en place d’une organisation du système de santé fondée sur le territoire et intégrant hôpital, médecine de ville et médico-social.

A ceux qui rêvent, faut-il rappeler, que jusqu’à présent, lorsque nos dirigeants parlent « investissement » c’est toujours de matériels dont il s’agit ; jamais d’investissement humain ! Il semble pourtant qu’au cours de ces négociations, les personnels de santé ou leurs représentants entendent bien faire valoir à la fois la nécessité d’une revalorisation des rémunérations qui se trouve actuellement bien en dessous de la moyenne européenne et du recrutement de personnels qualifiés pour pallier le manque cruel de soignants et de non-soignants qui conduit à des horaires démentiels … au détriment des patients.

Certes, selon la presse, 300 responsables syndicaux et représentants des personnels participeront à cette « vaste concertation » …

Constatons tout d’abord qu’une nouvelle fois ce sont les corps intermédiaires qui seront bafoués : nier la représentativité syndicale [“300 responsables syndicaux et représentants des personnels” comme si les représentants syndicaux n’étaient pas des représentants des personnels !]  par la mise à égalité de responsables démocratiquement élus – quoi que l’on puisse penser des syndicats – et de chefaillons auto-proclamés – fussent-ils grands patrons ou grands chefs à plume – est un jeu dangereux auquel se prêtent de plus en plus souvent le Président et ce gouvernement. Mettons à leur crédit qu’ils ne sont pas les premiers !

C’est en général ainsi que s’installent les dictatures !

Vous souvient-il qu’il n’y a pas si longtemps, le Président de la République avait accompli un tour de France à la rencontre de nos concitoyens ; ils étaient élus, responsables associatifs, simples citoyens – dont déjà des personnels soignants et non-soignants de santé – beaucoup plus nombreux que les participants au “Ségur” ! Et qu’ont-ils obtenus au-delà des belles promesses ? Au-delà de belles formules qui ont fait florès ? Les “Gilets jaunes” ont encore de l’avenir …

Tout le monde s’accorde à penser que les semaines qui viennent – 7 ! – seront décisives pour l’hôpital public … dans un sens comme dans l’autre. Même si c’est sans trop d’illusions ! …

Il y a eu les Gilets jaunes, la Justice, les Retraites, l’Agriculture et ses produits phytosanitaires qui empoisonnent la planète, la Police … et maintenant la santé, le système de santé. Contrairement au secteur privé, l’Hôpital n’est pas là pour faire des bénéfices. Pour autant sa gestion doit être rigoureuse ! Les moyens mis en œuvre efficients.

Nous entendons parler des 35 heures mais ceux qui connaissent l’hôpital, qui savent ce qu’il s’y passe, ceux qui le vivent au quotidien savent que ces heures sont largement dépassées faute de personnels soignants qualifiés et non-soignants en nombre suffisant.

Gageons que le gouvernement sera une fois encore tenté par l’eau tiède ! Voire froide. Des promesses fumeuses à l’horizon 2040, 2050 … comme il en a maintenant l’habitude. Des promesses qui n’engageront à rien ni personne. Et qui, de toute manière, feront porter le coût des réformes sur les générations futures.

Mais il faut prendre garde, les grands jeux d’illusionnistes risquent aujourd’hui de ne tromper personne.

Durant la pandémie, tous les personnels hospitaliers – soignants et non-soignants – ont, comme ils le font en permanence, montré une nouvelle fois tout leur engagement. Ils n’ont pas compté leurs heures. Ils ont mis leur vie de famille entre parenthèses. Ils ont accepté, pour nombre d’entre eux, d’apporter leur soutien à des équipes surchargées qui menaçaient de craquer parfois à plusieurs centaines de kilomètres de leur famille et de leur lieu de travail. Ils se sont mis en danger au détriment de leur santé et de la santé des leurs, au péril même de leur propre vie. Et certains l’ont payé cher ! Nos concitoyens l’on bien compris qui, de diverses manières, leur ont apporté tout leur soutien.

Nos dirigeants sauront-ils s’en souvenir alors que l’heure est venue de parler de rémunération, de recrutement, de temps de travail ?

La CoViD-19 servira-t-elle de catalyseur à la réforme de notre système de santé à bout de souffle ou l’utilisera-t-on tel un édredon pour étouffer les cris de ceux que l’on va assassiner ?

Mis en ligne le 26 Mai 2020 11:45
Mis à jour le 31 Mai 2020 10:30