Une analyse d’Audrey Dufour pour le quotidien La Croix du 25 janv. 2020

L’avis du Conseil d’État sur les deux projets de loi retraite est ouvertement critique. Sur la forme, les juristes estiment avoir été saisis trop tardivement vu l’ampleur de la réforme. Sur le fond, plusieurs points sont à revoir et notamment la prise en compte des droits acquis.

Les points noirs du Conseil d’État sur la réforme des retraites

Après la présentation du projet de loi portant la réforme des retraites en Conseil des ministres, vendredi 24 janvier, le gouvernement a rendu public l’avis du Conseil d’État sur le texte. Ou plutôt les deux textes, car la réforme des retraites comprend à la fois une loi organique et une loi ordinaire.

Une saisine trop tardive

Dans l’ensemble, le Conseil d’État se montre critique de la procédure et de la forme, qui ont abouti à des « lacunes » sur le fond. Saluant la « procédure approfondie de concertation » autour de la réforme, l’institution reproche en parallèle « la saisine tardive », « la plupart du temps selon les procédures d’examen en urgence ».

« Pour novatrice et fructueuse qu’elle puisse être, la démarche [de concertation, NDLR] ne saurait dispenser le gouvernement de faire procéder en temps utile aux consultations auxquelles les projets de loi sont soumis », pointe l’avis, surtout lorsqu’il s’agit « d’une réforme de grande ampleur ». Le Conseil d’État estime ainsi ne pas avoir pu mener sa mission « avec la sérénité et les délais de réflexion nécessaires ».

« Pas de régime universel de retraite »

Taclant la volonté universelle, l’avis rendu estime que « le projet de loi ne crée pas un régime universel de retraite ». « Est bien créé un système universel par points (…) mais à l’intérieur de ce système existent cinq régimes (…) et à l’intérieur de chacun de ces régimes créés ou maintenus, des règles dérogatoires existent », écrivent les conseillers.

Le Conseil d’État juge aussi que « le choix d’une détermination annuelle de chacun des paramètres du système, y compris ceux applicables à une génération entière, aura pour conséquence de limiter la visibilité des assurés ». Autrement dit, la réforme censée permettre de mieux connaître ses droits à la retraite n’apporterait pas autant de lumière qu’espérée.

Une étude d’impact lacunaire

Il tance l’étude d’impact qui accompagne les projets de loi et doit détailler toutes les modalités, avec des cas types et des explications de motifs. Certaines dispositions de la version initiale transmise fin décembre étaient « insuffisantes », et la version complétée par le gouvernement reste « lacunaire », notamment sur les projections financières.

« Il incombe au gouvernement de l’améliorer encore avant le dépôt du projet de loi au Parlement, interpelle l’avis du Conseil d’État, en particulier sur les différences qu’entraînent les changements législatifs sur la situation individuelle des assurés et des employeurs, le taux d’emploi des seniors, les dépenses d’assurance-chômage et celles liées aux minima sociaux. »

Trop d’ordonnances

Outre le flou autour de certaines analyses de l’étude d’impact, le Conseil d’État regrette le recours massif aux ordonnances. Le projet de loi ordinaire prévoit pas moins de 29 ordonnances, réparties dans 23 des 64 articles, pour régler des points précis du futur système universel de retraite.

Or, « s’en remettre à des ordonnances pour la définition d’éléments structurants fait perdre la visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la réforme et, partant, de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité », estime les conseillers.

Une « clause du grand-père » pour tout le monde ?

Principal manquement et coup porté à la réforme des retraites, le conseil d’État juge que le texte n’apporte pas suffisamment de garanties sur les droits acquis dans les anciens systèmes. L’ordonnance sur cette prise en compte doit être connue avant la promulgation de loi, appellent les juristes.

« L’absence de coordination entre les régimes antérieurs et le système universel de retraite serait susceptible de porter une atteinte contraire à la Constitution (…) et de porter atteinte à la substance des droits à une pension de retraite, estime l’avis. Le système universel de retraite ne pourra s’appliquer aux personnes ayant été affiliées aux régimes antérieurs en l’absence d’une telle ordonnance ».

Autrement dit, soit le gouvernement fait connaître toutes les modalités exactes de la prise en compte des droits acquis, soit la réforme des retraites ne s’appliquera qu’aux nouveaux entrants sur le marché du travail, entraînant une gigantesque « clause du grand-père » pour tous les travailleurs.

Censure pour les pilotes et les enseignants.

Sur les concessions accordées à certaines professions, le Conseil d’État est également très critique. Il écarte par exemple le maintien du régime complémentaire pour les pilotes de ligne : « aucune différence de situation ni aucun motif d’intérêt général ne justifiant une telle différence de traitement, elle ne peut être maintenue dans le projet de loi. »

L’avis estime aussi contraire à la Constitution les dispositifs de revalorisation de salaires pour les enseignants, qui seraient pénalisés dans le futur système universel. Il s’agit d’une opposition à la forme : le projet de loi ne peut pas formuler une injonction au gouvernement de déposer une autre loi.

Prochaine mobilisation le 29 janvier.

Mais si le texte sur les retraites devait ne plus comporter de garanties de revalorisation pour les enseignants, nul doute que la fronde reprendrait de plus belle. Vendredi 24 janvier, le taux de grévistes dans l’éducation nationale était de 11 % selon le gouvernement et de 40 % selon les syndicats.

Pour cette journée de manifestations, plus d’un million de personnes étaient rassemblées dans toute la France selon la CGT et 249 000 selon le ministère de l’intérieur. Une nouvelle mobilisation interprofessionnelle [a eu lieu] le 29 janvier dernier, tandis que la conférence de financement, qui doit déterminer les moyens de revenir à l’équilibre pour 2027, [s’est réunie] une première fois le 30 janvier, comme l’a annoncé Edouard Philippe dans un entretien à La Croix publié vendredi 23 janvier.

 

Ce que contient le projet de loi retraites.

Analyse

Le projet de loi retraites [a été] présenté en conseil des ministres vendredi 24 janvier, avant d’arriver au parlement début février. Le texte dévoile les changements à venir, même si des points seront complétés par des ordonnances. « La Croix » expose en détail le futur système universel.

Que veut dire « système universel » ?

Une simplification radicale. Aujourd’hui, un salarié du privé est couvert au minimum par deux régimes de retraite obligatoires et se voit donc verser au moins deux pensions au moment de la retraite : celle du régime général et celle des régimes complémentaires. Encore faut-il qu’il ait été salarié dans le privé toute sa vie professionnelle. S’il a fait une incursion dans le secteur public ou s’est établi un moment comme indépendant, il a cotisé à d’autres caisses et reçu autant de pensions différentes.

Dans le régime universel, quelle qu’ait été sa carrière, il n’aura qu’un seul interlocuteur et une seule pension versée d’un seul tenant. Ce futur régime universel couvrira l’ensemble des personnes travaillant en France : salariés du privé, fonctionnaires, salariés à statut particulier (cheminots, agents RATP, etc.), agriculteurs, professions libérales, artisans commerçants, membres des cultes, ou encore parlementaires.

Il se substituera de ce fait aux 42 régimes existants, de base ou complémentaires (à l’exception de ceux des marins et des navigants de l’aviation civile, dont la réforme est remise à plus tard). Les régimes spéciaux – agents SNCF, RATP, danseurs de l’Opéra de Paris, etc. – sont bel et bien amenés à disparaître après une longue période de transition.

Dans cette « maison commune » seront appliquées des règles communes, pour qu’« un euro cotisé ouvre les mêmes droits à chacun », selon la promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017. Ce qui nécessite d’harmoniser les règles de calcul de la pension. Pour l’essentiel, cette harmonisation va parachever la convergence entre salariés du privé et salariés du public.

La retraite sera calculée pour tous à partir de la rémunération de l’ensemble de la carrière, et non plus des vingt-cinq meilleures années pour les premiers et des six derniers mois pour les seconds. De la même façon, les droits liés à la maternité ou les modalités de la réversion seront les mêmes pour tous les actifs, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Pour déterminer les droits à la retraite, ne seront pris en compte que les revenus correspondant à trois fois le montant du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit aujourd’hui 120 000 € brut annuels. Un cas de figure qui concerne 99 % des salariés.

L’assiette de cotisation ne va pas changer pour les salariés du privé. En revanche, les fonctionnaires cotiseront sur l’ensemble de leur traitement – primes comprises. Le gouvernement s’est engagé à revaloriser progressivement les rémunérations de ceux qui touchent moins de primes, comme les enseignants ou les chercheurs.

Le taux de cotisation sera le même dans le privé et dans le public, soit 28,12 % (25,31 % sur les revenus plafonnés à 120 000 € brut, qui ouvriront des droits à la retraite, et 2,81 % appliqués à la totalité des revenus sans plafonnement, qui financeront la solidarité). Cette cotisation sera acquittée à 60 % par l’employeur et à 40 % par les assurés.

Des périodes de transition longues – de quinze à vingt ans – sont prévues par le projet de loi pour aboutir à cette convergence et ne pas pénaliser, notamment, les fonctionnaires et les régimes spéciaux qui devront désormais cotiser sur la totalité de leurs revenus.

Les professions libérales, « caractérisées par une grande diversité de barèmes et de cotisations », devront converger d’ici à quinze ans vers le régime des indépendants. Lequel se rapprochera lui-même des conditions appliquées aux salariés du privé, mais pas totalement. Le projet de loi prévoit que leur taux moyen de cotisation sera moins élevé. Dans ce cas, « puisqu’ils cotisent moins, les travailleurs indépendants s’ouvriront moins de droits que les salariés ayant des revenus identiques », précise bien le projet de loi.

Le sort des réserves accumulées par les caisses professionnelles et complémentaires, comme l’Agirc-Arrco, doit encore être éclairci. Une chose est sûre, comme ces caisses géreront des assurés hors système universel pendant plusieurs années encore, elles devraient garder une partie de leurs fonds. Et Édouard Philippe l’a promis, « il n’y aura pas de hold-up, pas de siphonnage pour combler tel ou tel trou, tel ou tel déficit ».

Partirons-nous tous au même âge ?

Non, système universel ne veut pas dire âge universel. Un « âge minimal de départ en retraite » sera maintenu à 62 ans, de même que des départs anticipés dans certaines conditions, par exemple pour les carrières longues. Un tiers des assurés bénéficiera ainsi « d’un âge d’équilibre individualisé et dérogatoire (inférieur ou égal à 62 ans), afin de prendre en compte les situations spécifiques ».

Les militaires pourront toujours bénéficier de départs anticipés à condition d’avoir rempli une certaine durée de services. Pour les policiers, les pompiers et autres fonctions régaliennes dangereuses, ces départs anticipés seront également maintenus, mais « sous réserve d’avoir effectivement effectué des missions comportant une dangerosité particulière ».

Les régimes spéciaux, qui ont fait grand bruit, perdront bel et bien leurs départs anticipés à terme. Le projet de loi prévoit toutefois une longue période de transition pendant laquelle leurs employeurs financeront l’écart avec le régime universel.

→ DÉBAT. Le gouvernement a-t-il gagné la bataille des retraites ?

Pour les emplois pénibles, les négociations se poursuivent au ministère du travail. Le projet de loi prévoit d’élargir le « compte pénibilité » à la fonction publique et aux régimes spéciaux. Si le gouvernement refuse pour l’instant de réintégrer les quatre critères supprimés au début du quinquennat, il souhaite abaisser les seuils de déclenchement du dispositif et ne plus plafonner les droits ainsi acquis.

Le départ anticipé jusqu’à deux ans permis par le dispositif pénibilité s’appliquerait à l’âge légal de départ, ramené de 62 à 60 ans, mais aussi à l’âge d’équilibre, ramené de 64 à 62 ans. Ceux qui partent à 60 ans subiront donc 10 % de décote.

Car il reste bel et bien un « âge d’équilibre » dans le projet de loi. Il faut bien faire la distinction entre l’« âge pivot », un temps proposé par le gouvernement pour la période de 2022 à 2027 et finalement retiré, et l’« âge d’équilibre » du futur système, qui entrera en vigueur à compter de 2027 et reste d’actualité.

Cet âge d’équilibre ne concernera que ceux touchés par le nouveau système […]. Le gouvernement a prévenu qu’il serait a priori de 64 ans en 2027 et devrait évoluer pour tenir compte « des gains d’espérance de vie à la retraite constatés ». Une décote de 5 % par an sera appliquée pour les départs avant l’âge d’équilibre et une surcote de 5 % par an pour ceux après. Ce taux de 5 % par an correspond à la décote/surcote actuelle pour ceux qui n’ont pas tous leurs trimestres ou en ont plus.

Ce dispositif doit permettre aux femmes qui ont connu des carrières hachées de partir plus tôt. Actuellement, une femme sur cinq est obligée d’attendre 67 ans, âge d’annulation de la décote, faute d’avoir suffisamment de trimestres. « Un tiers des assurés pourra partir jusqu’à trois ans plus tôt », détaille le texte.

Une conférence de financement entre les partenaires sociaux doit trouver des alternatives à l’« âge pivot » pour être à l’équilibre financier en 2027, « sans baisse des pensions ni hausse du coût du travail ». Patronat et syndicats devront rendre leurs conclusions pour fin avril. Faute d’accord, le gouvernement mettra en place l’âge pivot, qui s’appliquerait dès la génération 1960.

Comment seront calculées les pensions ?

C’était la promesse de campagne d’Emmanuel Macron à la base même de la réforme des retraites : « un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous » confirme le projet de loi. Le système universel fonctionnera par points, comme c’est déjà le cas pour l’Agirc-Arrco, la retraite complémentaire des salariés du privé.

Principale nouveauté, qui doit valoriser les plus précaires, chaque cotisation sera prise en compte. Actuellement, ceux qui travaillent moins de 150 heures payées au smic ne valident pas de trimestre, quand bien même on leur prélève une cotisation.

Dans le système universel, ces cotisations donneront donc lieu à des points. La future caisse universelle sera chargée de fixer deux valeurs : celle d’acquisition, c’est-à-dire combien touche-t-on de points pour tant d’euros cotisés, et celle de service, c’est-à-dire combien touche-t-on de pension pour tant de points.

Par défaut, à partir de 2045 et après une longue transition, ces deux valeurs seront indexées sur l’évolution des salaires, laquelle est en moyenne supérieure à l’inflation. Mais la gouvernance du système pourra choisir une autre évolution et décorréler les deux valeurs.

Actuellement, les droits à la retraite sont indexés sur l’inflation qui progresse moins vite que les rémunérations. Ce mécanisme, en place depuis 1993, a permis de faire de considérables économies. Mais il entraîne une moins bonne prise en compte des débuts de carrière et un « décrochage » au moment du départ entre le dernier salaire et la première pension, qui surprend bon nombre de nouveaux retraités.

Le futur système prévoit que par défaut les valeurs d’achat et de service ne devront pas baisser. Autrement dit, avec 1 000 points de retraite, je devrais avoir une pension au moins équivalente à celle d’une personne partie un an plus tôt avec le même nombre de points. Mieux, puisque cette valeur de service est indexée sur les salaires, je devrais avoir une meilleure pension si les salaires ont augmenté et que l’indexation est respectée.

Mais d’un autre côté, la valeur d’achat est elle aussi indexée sur les salaires et devra donc augmenter. À titre indicatif, si un aîné avait acheté 1 point grâce à 10 € de cotisations, il est possible que j’aurais désormais besoin de 15 € de cotisations pour acheter le même point. Autrement dit, mes 1 000 points retraite me rapporteront une meilleure pension mais ils m’auront aussi coûté plus cher. L’un dans l’autre, le rendement doit ainsi s’équilibrer pour que les pensions représentent toujours autour de 14 % du PIB.

Une fois liquidées, les pensions resteront par contre alignées sur l’inflation comme c’est déjà le cas. À condition de ne pas sous-indexer, comme en 2019, ce couplage sur les prix permet de maintenir le niveau de vie des retraités. Enfin, même si un équilibre financier doit être respecté, « le niveau des pensions ne pourra jamais être baissé », précise le projet de loi.

Gardera-t-on une part de solidarité ?

Oui, avec une enveloppe stable à 25 % des dépenses, et des règles harmonisées pour tous. Le système de retraite n’est pas et ne deviendra pas purement contributif. Il continuera de compenser certaines inégalités de carrières. Tous ces dispositifs seront financés par le fonds de solidarité vieillesse universel, alimenté par les cotisations et des recettes fiscales.

Dans le système universel, tous les actifs s’acquitteront d’une cotisation de 2,81 % qui financera la solidarité sans ouvrir de droits à la retraite. Au-delà de 120 000 € brut par an, les hauts revenus, cotiseront uniquement cette part de solidarité, même si des aménagements sont possibles.

Pour ceux qui travaillent toute leur vie mais n’ont qu’une faible rémunération, la réforme des retraites met en place une pension minimum. Elle doit remplacer l’actuel minimum contributif, que touchent environ 20 % des nouveaux retraités, en grande majorité des femmes.

De 1 000 € net en 2022, ce minimum sera progressivement relevé pour atteindre 85 % du smic, soit environ 1 040 € net en 2025. L’assuré recevra des points retraite supplémentaires pour atteindre cette pension minimum. Pour pouvoir y prétendre, il faudra justifier de 43 ans de cotisations.

Les indemnités de maladie ou de chômage donneront également le droit à des points, de même que la maternité. Le gouvernement met en avant le gain par rapport au système actuel où certains trimestres comptent « pour rien ». Imaginons une femme qui a travaillé suffisamment longtemps pour valider tous ses trimestres, et qui bénéficie en outre de huit trimestres validés « gratuitement » au titre d’un enfant. Ces trimestres ne lui servent alors à rien. Dans le futur système, les points acquis au titre de la maternité amélioreront le montant de sa pension.

Des mesures spécifiques sont aussi prévues pour les travailleurs handicapés, et ceux en incapacité permanente ou reconnus invalides ou inaptes.

Quels changements pour les familles ?

Les effets des enfants sur la carrière se font ressentir dès le premier-né, estime le gouvernement. Au lieu des 10 % de majoration de la pension pour les deux parents à partir de trois enfants, le projet de loi prévoit donc une majoration en points de 5 % par enfant, et cela dès le premier enfant.

La majoration sera attribuée par défaut à la mère. Toutefois, les parents pourront se mettre d’accord pour un partage. Ce système permet de corriger l’effet pervers du dispositif précédent qui avantageait les hommes, qui perçoivent des salaires en moyenne plus élevés que ceux des femmes. Une majoration supplémentaire est prévue au troisième enfant, à raison de 1 % pour chaque parent. Vous toucherez ainsi 10 % supplémentaires pour deux enfants, 17 % pour trois enfants, 22 % pour quatre enfants, etc.

Par ailleurs, les indemnisations versées pendant le congé de maternité donneront lieu à des points retraite, comme les indemnités de chômage ou maladie.

Les actuels trimestres supplémentaires pour enfant seront pris en compte dans le calcul des droits acquis, au moment de la bascule dans le nouveau système. Concrètement, si vous avez acquis 100 trimestres dans le système actuel et bénéficiez en sus de huit trimestres pour un enfant né avant 2025, le montant de vos droits « ancien système » sera calculé sur 108 trimestres.

Le projet de loi prévoit également un abondement de points retraite pour les périodes où les futurs parents percevront l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant ou de la prestation partagée d’éducation de l’enfant.

Dans une société vieillissante, le texte instaure par ailleurs une compensation pour les proches aidants. « Sans condition de ressource, le niveau de compensation sera fixé de sorte que l’acquisition de points sera équivalente à celle d’une personne travaillant au smic », indique l’article 43.

Le nouveau système revisite aussi la philosophie de la pension de réversion, avec l’idée de maintenir 70 % de l’ancien niveau de vie du couple pour le conjoint survivant, au lieu des 13 dispositifs existants aux conditions variées. Cette « nouvelle formule » unique sera applicable à partir de 2037. Elle pourra être perçue dès 55 ans et restera réservée aux couples mariés.

Une ordonnance doit encore être prise pour régler les modalités en cas de divorce après 2025. Pour ceux ayant eu lieu avant 2025, les règles actuelles continueront de s’appliquer, avec un partage de la pension de réversion au prorata de la durée de l’union.

Qui décidera de la valeur du point ?

Le conseil d’administration de la future caisse de retraite universelle sera constitué des représentants des syndicats de salariés (privé et public), des organisations patronales et des travailleurs indépendants. Ce conseil d’administration décidera des évolutions de la valeur d’achat et de service du point, de l’âge d’équilibre, des taux de cotisation ou de l’indexation des pensions.

Ses marges de manœuvre seront cependant limitées. D’abord par la règle inscrite dans la loi selon laquelle la valeur du point ne pourra pas baisser (voir ci-dessus). Ensuite par la règle d’or imposée au futur système : ce dernier ne pourra pas être en déséquilibre sur une période « glissante » de cinq ans. Cet impératif – qui ne s’impose pas à l’heure actuelle au régime général des salariés du privé – sera surveillé chaque année à l’occasion de la discussion au Parlement du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Pour amortir la rigueur de cette règle d’or, le futur système pourra puiser dans un fonds de réserves universel, qui à sa création en 2022 absorbera l’actuel fonds de réserve des retraites.

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Le parcours du projet

3 février. Le projet de loi sera examiné par une commission spéciale à l’Assemblée nationale présidée par Brigitte Bourguignon (LREM, Pas-de-Calais).

17 février. Début de la première lecture en séance publique à l’Assemblée. L’examen du texte doit durer deux semaines, puis les municipales interrompront la séquence politique.

Avril-mai. Examen au Sénat. Si le texte passe par une procédure accélérée, comme annoncé début janvier, la navette s’arrêtera là et une commission mixte paritaire pourra être chargée
de rédiger un texte commun.

30 avril. La conférence de financement doit rendre ses arbitrages pour atteindre l’équilibre financier en 2027, faute de quoi le gouvernement instaurera un âge pivot.

Avant l’été. Vote de la loi.

Qui sera concerné quand ?

2022. Entrée en vigueur du système universel pour ceux nés à partir du 1er janvier 2004 et qui rentrent sur le marché du travail. Entrée en vigueur du cumul emploi retraite et du minimum de pension de 1 000 € pour tous.

2025. Entrée en vigueur du système universel pour ceux nés à partir du 1er janvier 1975. Pour les régimes spéciaux, la bascule se fera pour les générations 1980 ou 1985 selon les modalités. Le minimum de pension sera porté à 85 % du smic.

2037. Premiers départs à la retraite pour la génération 1975 qui aura alors 62 ans. Ces personnes auront une première partie de pension calculée selon les anciennes règles (jusqu’en 2025) et une seconde partie de pension calculée avec les nouvelles règles (de 2025 à 2037).

Mis en ligne le 31 janv. 2020