UNE GRANDE DAME NOUS A QUITTÉ

Une grande dame nous a quittés au cœur de l’été. Laïque, républicaine, révolutionnaire, féministe, anti-familialiste, révoltée contre tous les ordres établis, les dogmes quels qu’ils soient, surtout lorsqu’on vous assigne, d’avance, une place dans la société.

Lutte contre le patriarcat : refus de “servir” son frère, grève de la faim à l’âge de 10 ans, pour avoir le droit de lire, le refus d’un mariage arrangé à l’âge de 16 ans, refus de l’instruction religieuse, combat pour faire des études supérieures de droit. Toute jeune, combat pour l’égalité et la justice : 2 mots inséparables tout au long d’une vie.

Lutte pour la décolonisation, en particulier au Maghreb. Née juive tunisienne, en 1937, dans un pays sous protectorat français depuis 1883, la Tunisie, dès les années 1950, aspire à l’indépendance, dans un mouvement général qui parcourt le monde et le bassin méditerranéen : la Lybie, la Syrie, l’Egypte, obtiennent leur indépendance. La Tunisie revendique aussi en vain : fin janvier 1952, après des émeutes, la répression s’abat : 200 morts, les maisons des pro indépendantistes, dynamitées… assassinat de leaders tunisiens favorables à l’indépendance ; émeutes et sabotages se succèdent dans le Sud tunisien, de 1954 à 1956.

L’armée française, sous la houlette de ses gouvernements successifs, ne sait répondre que par la répression, jusqu’à ce que Pierre Mendès France enclenche le processus de l’indépendance.

C’est tout naturellement qu’elle va se faire l’avocate, avec d’autres, des militants du FLN algérien (dès 1958), dénonçant la torture institutionnalisée et les exactions de la police et de l’armée. “Le point d’orgue” sera l’affaire ” Djamila Boupacha ” du nom de cette jeune fille algérienne, accusée d’avoir posé une bombe pour le FLN, torturée et violée par des soldats (1960) ; affaire qui mobilisera tous les intellectuels de gauche et dont elle tirera un ouvrage mémoriel, qui porte le titre de cette militante, portraiturée en couverture, par Pablo Picasso. En 1998, elle est cofondatrice de l’association ATTAC.

Lutte pour le respect, l’égalité et l’émancipation des femmes. Sa réputation d’avocate étant faite, féministe convaincue, dès son plus jeune âge, s’illustre en 1978, en obtenant la condamnation de 3 violeurs, malgré les menaces de mort, dont elle a fait l’objet. Grâce à elle, 2 ans plus tard, le viol sera désormais pénalement considéré comme un crime. Mais son engagement public, dans le champ de l’émancipation féminine, s’est concrétisé dès 1971, avec sa signature du fameux manifeste des “343 salopes”, qui reconnaissaient avoir avorté, au côté de Simone de Beauvoir et de tant d’autres. Ce mouvement historique sera déterminant pour obtenir la loi en faveur de l’IVG, présenté en 1974, par Simone Veil. Elle fonde, avec Simone de Beauvoir, le mouvement “Choisir la cause des femmes”. Son combat politico-sociétal, s’oriente vers la revendication de la parité homme/femme, dans toutes les élections, à partir de 1981 et le remboursement, par la Sécurité sociale, de l’IVG (obtenu en 1982). Elue députée en 1981 de l’Isère apparentée PS, elle dépose un projet de loi en faveur “des quotas de femmes à toutes les élections”. Elle sera “retoquée” par le Conseil constitutionnel. Dès lors, elle se battra pour la parité totale à chaque élection. Il faudra attendre 2000, pour avoir “une première loi sur la parité” et on sait que ce mouvement n’est pas achevé. Ayant rallié Jean-Pierre Chevènement, qui fonde en 1992 le Mouvement des Citoyens (MDC) et déçue par François Mitterrand, elle figure en 2ème position aux européennes de 1994, dans le cadre d’une liste entièrement paritaire.

Elle va proposer sans succès, dès 1979, au niveau européen, l’adoption d’une clause dite “de l’européenne la plus favorisée“, qui consiste à faire bénéficier toutes les femmes de l’Union Européenne, de la législation dans chaque domaine, des lois les plus avancées des pays de l’Union ! Naturellement, cette proposition sera repoussée ! Trop progressiste ! Finalement, le 23 février 2010, l’Assemblée Nationale française, adoptera cette résolution, qui à ce jour, n’a pas été reprise par le Parlement européen.

Lutte en faveur de l’égalité de genre. Dès 1982, avec Robert Badinter, elle est à l’origine de la loi dépénalisant l’homosexualité. Ils œuvreront ensemble, pour que symboliquement, cette loi soit adoptée le 4 août 1982 ! (Date de l’abolition des privilèges en 1789, pour ceux qui n’ont plus la mémoire). N’oublions pas que cette loi, dans ses décrets d’application, supprime les fichiers de police, jusque-là tenus à jour, pour fait d’homosexualité. Par la suite, elle soutiendra la loi sur le PACS et la loi “sur le mariage pour tous”. Publié dans le magazine “TETU”, le sociologue Frédéric Martel, déclare que Gisèle Halimi est une figure clé du mouvement LGBT.

Lutte en faveur de la Palestine et contre le colonialisme. Gisèle Halimi, d’origine juive tunisienne, défenseuse en tant qu’avocate de Djamila Boupacha et de membres du FLN algérien, ne pouvait que s’intéresser à la cause palestinienne. Elle est membre du “tribunal Russel sur la Palestine”, aux côtés de Stéphane Hessel, Michel Warschavski, José Saramago, Ken Loach, Naomi Klein, Albert Jaquard, Eric Cantona, Judith Butler, Boutros Ghali, Raymond Aubrac, pour les plus connus… et de tant d’autres.

Elle faisait partie du groupe d’avocats chargé de défendre le leader du Fatah Marouane Barghouti, emprisonné à vie, condamné 5 fois, alors que tout simplement il veut la paix dans 2 états séparés et dénonce un régime colonialiste et d’apartheid. La boucle est bouclée, avec les luttes anti colonialistes en Tunisie, en Algérie entre autres et l’injustice sous toutes ses formes.

Militante laïque, féministe, républicaine, révolutionnaire, anti colonialiste,
le CNAFAL ne pouvait que lui rendre hommage.

Mis en ligne le 14 Août 2020 22:00