Privatisation d’Aéroports de Paris : à vous de décider !
1 ADP, c’est quoi ?
Aéroports de Paris (ADP) est une entreprise française actuellement détenue par l’État. Elle regroupe 3 aéroports internationaux de Paris et de sa région : Paris-Orly, Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Le-Bourget ainsi que 10 aérodromes civils d’aviation générale et un héliport.
2 On parle beaucoup d’ADP ces derniers temps. Pourquoi ?
Le jeudi 11 avril 2019, la privatisation du Groupe ADP a été adoptée par le Parlement, lors du vote de la loi Pacte. Cela signifie que l’État a la possibilité de vendre plus de la moitié du capital de cette société.
En réaction, presque 250 députés et sénateurs de tous les bords politiques ont lancé deux jours plus tôt une procédure législative inédite. L’objectif : organiser un référendum d’initiative partagée (RIP) pour permettre à l’ensemble des français·e·s de voter et de décider de l’avenir des Aéroports de Paris.
3 Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il privatiser ADP ?
Pour financer partiellement son « fonds pour l’innovation de rupture » (10 milliards d’euros), qui devrait ensuite lui rapporter 250 millions d’euros d’intérêts par an.
Le Gouvernement affirme également que privatiser l’entreprise ADP n’est pas problématique car elle ne constitue pas un actif « stratégique » et que son activité se résume à du commerce.
4 Les arguments du Gouvernement sont-ils pertinents ?
Pas suffisamment !
En réalité, privatiser l’entreprise ADP pour financer le « fonds pour l’innovation de rupture » n’est pas un argument suffisant. Compte-tenu de la croissance du trafic aérien, l’entreprise ADP à elle seule pourrait d’ici trois ans apporter les 250 millions d’euros nécessaires, et beaucoup plus dans les années suivantes.
Aussi, lorsque le Gouvernement avance que ADP n’est pas une entreprise stratégique, il oublie que 60% du chiffre d’affaires d’ADP est réalisé sur les activités aéronautiques stratégiques : construire, aménager, développer et exploiter les aéroports d’Ile-de-France.
5 En quoi la privatisation d’ADP pose-t-elle problème ?
En fait, cette privatisation pose plusieurs problèmes : économiques, écologiques, démocratiques, sécuritaires…
Économie :
– l’État y perd une source de dividendes considérable (185 millions d’euros en 2019) qui n’iront plus dans le budget de l’État, mais dans le portefeuille des actionnaires privés, qui auront tendance à amoindrir les investissements pour augmenter leurs dividendes, au détriment des emplois.
– surtout, par un mécanisme d’une complexité inouïe, l’État va être obligé de verser 1 à 2 milliards d’euros aux nouveaux actionnaires…! Le ou les potentiels acquéreurs de la société ADP se voient ainsi attribuer de l’argent public… par l’État vendeur.
Écologie : privatiser ADP, c’est perdre le contrôle sur le trafic aérien, renier le rôle de l’État dans l’aménagement du territoire et augmenter les risques d’artificialisation des sols.
Démocratie : Une décision telle que la privatisation d’ADP est d’une importance si capitale qu’il doit revenir au peuple souverain de l’accepter ou non.
Souveraineté et sécurité : ADP est le garant du contrôle des passagers, avec du personnel formé et qualifié pour surveiller les entreprises sous-traitantes. Privatiser la sûreté c’est prendre le risque d’un affaiblissement des moyens, de la qualité du service, et plus de risques pour les usagers et les personnels.
6 Et pour les citoyens ?
La privatisation risque d’engendrer :
– pour les usagers, l’augmentation des redevances aéroportuaires, et donc du prix des billets ;
– pour les riverains, une spéculation du foncier encore plus effrénée, qui repousserait encore plus les salariés et leurs familles vers la très grande couronne ;
– pour l’ensemble des français (dont la majorité ne prend jamais l’avion), une hausse des impôts pour remplacer les 185 millions d’euros de dividendes que rapporte ADP et qui abondent le budget de l’État.
7 L’avion est l’un des moyens de transports les plus polluants et je m’y oppose. En quoi tout ceci me concerne ?
Justement, la privatisation d’ADP est un enjeu environnemental déterminant.
D’abord, privatiser ADP est une manière de perdre le contrôle sur le trafic aérien, qui compte pour au moins 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Plus encore quand on sait que le secteur est amené à doubler à court terme.
Aussi, c’est également reléguer l’artificialisation des sols induits par la construction de nouveaux bâtiments, de nouvelles pistes… aux grands groupes privés.
Enfin, vendre ADP pourrait s’avérer fatal si l’État souhaite imposer des mesures écologiques (taxe carbone, limitation du trafic aérien…) à de groupes industriels privés de l’aéronautique. Les groupes souhaiteront rendre leurs investissements rentables, et n’accepteront pas que cette rentabilité soit limitée par des considérations écologiques.
Concéder ADP à des actionnaires privés est en contradiction frontale avec les objectifs des accords de Paris et le besoin de réorienter les investissements vers la mobilité propre. Voilà pourquoi il est essentiel que l’État garde la main sur le développement des Aéroports de Paris.
8 Aujourd’hui, qui possède ADP ?
Avant 2005, l’État français possédait 100% d’ADP. En 2006, après l’ouverture du capital, il possédait encore 67% des parts.
Aujourd’hui, l’État possède toujours 50,6%, parce qu’une loi du 20 avril 2005 prévoit qu’ADP doit toujours être détenue majoritairement par l’État.
9 L’entreprise ADP est-elle déficitaire ?
Au contraire.
En 2018 seulement, ADP a réalisé 610 millions d’euros de bénéfices. Soit 185 millions d’euros de dividendes pour l’État, c’est-à-dire de l’argent utile pour la collectivité nationale. En 13 ans, l’État a touché 1,5 milliards d’euros.
10 Que représente ADP pour l’État ?
ADP est un actif particulièrement stratégique pour l’État français :
– C’est la première frontière de France ;
– 89 millions de passagers d’Europe et international sont passés par ses aéroports en 2018 ;
– En tout, la même année, ce sont 105 millions de passagers qui sont passés par ses aéroports, et leur nombre devrait augmenter de +2,8% au cours de chacune des cinq prochaines années ;
– Paris-Charles-de-Gaulle constitue à lui seul le 2ème aéroport d’Europe et le 10ème dans le monde ;
– ADP est aussi gestionnaire des premiers aéroports métropolitains, soit 51% du trafic national et 83% du fret aérien ;
– ADP, c’est 6 680 hectares de superficie, soit l’équivalent des 2/3 de la ville de Paris ;
– Paris-Charles-de-Gaulle se lance bientôt dans la construction d’un terminal 4, pour accueillir 30 millions de passagers supplémentaires.
11 Y a -t-il un moyen d’empêcher cette privatisation ?
Oui !
En organisant un référendum d’initiative partagée (RIP) pour que la privatisation d’ADP soit soumise au vote de l’ensemble des français·e·s.
12 Quelles sont les modalités de ce référendum d’initiative partagée ?
Pour que cette procédure puisse conduire à la tenue d’un référendum à l’automne 2020, il faut d’abord que, pendant une période de neuf mois qui va du 13 juin 2019 au 13 mars 2020, 10% du corps électoral, soit 4 717 396 électrices et électeurs, soutienne le RIP.
Les citoyennes et les citoyens ne disposant pas d’un accès à internet peuvent faire enregistrer leur soutien avec l’aide d’un agent public, par un des points d’accès énumérés par le ministère de l’Intérieur.
13 Si nous atteignons 4,7 millions de signatures, la privatisation d’ADP sera-t-elle annulée ?
Non, récolter 4,7 millions de soutiens permettra de forcer le gouvernement à organiser un référendum sur la privatisation d’ADP. Il faudra ensuite qu’une majorité de français·e·s votent « contre » pour empêcher la privatisation et ériger la société ADP en service public national non privatisable.
14 Où en sommes-nous dans la procédure de ce RIP ?
C’est le moment décisif.
Nous avons jusqu’au 13 mars 2020 pour réunir 4,7 millions de signatures pour enclencher le RIP.
15 Comment faire pour signer ?
C’est simple, il suffit de se rendre sur ce site :
https://www.referendum.interieur.gouv.fr
A savoir:
Encore quelques considérants:
- en fait, la plupart des gouvernements de la 5ème république et leur majorité et plus particulièrement celui d’E. Philippe – sont dans une position doctrinale : tout ce qui n’est pas régalien (tout ce que l’État ne doit pas ou ne peut pas déléguer à des sociétés privées: justice, défense, la monnaie, la loi, les impôts, la sécurité intérieure – avec tout de même une une part déléguée aux collectivités territoriales !!! -, les affaires étrangères, certaines infrastructures, …) doit être privatisé ! Ainsi en est-il des transports (souvenons-nous des autoroutes !!!) , de l’énergie, de la santé (d’où la gestion calamiteuse des hôpitaux …), des banques, …
- La loi du marché est le problème majeur réncontré par ces adeptes du “toujours moins d’État” : pour privatiser (comprendre pour vendre) il faut que l’entreprise soit rentable – que le prix d’achat soit inférieur à l’estimation du bien – et/ou que la transaction laisse espérer à court terme des profits importants. Voir, comme à Toulouse-Blagnac, autre exemple d’aéroport, qu’il soit possible, par des manœuvres à la limite de la licéité, de “vider les caisses” sans avoir effectué le moindre investissement puis de “tirer le rideau” !
- Pour faire court : “on privatise les profits” (sans pour autant “nationaliser les pertes”) On vend la vaisselle ! Mais en finançant quelques entreprises en difficultés à hauteur de plusieurs millions on fera la démonstration de la volonté de l’État de ne pas laisser dépérir le tissus industriel. Sans même s’assurer de l’opportunité de l’intervention ; juste pour l’image ! Cocorico quand même ! Ensuite, on pourra justifier que l’État manque de moyens pour financer le régalien (donc que l’État est un mauvais gestionnaire) et qu’il convient de brader encore et encore brader !
Mis en ligne le 19 févr. 2020