POUR BIEN CERNER L’IMPORTANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DANS NOTRE PAYS, IL FAUT SE PLONGER DANS L’HISTOIRE DE FRANCE, AUX RACINES D’UN SERVICE QUI A BÂTI LA RÉPUBLIQUE.

Il est de bon ton de railler la France : son État qualifié par les libéraux de pesant, tentaculaire, centralisé et, par ricochet, ses services publics dont on dit aussi qu’ils sont dispendieux, incapables de s’adapter, d’évoluer dans un monde où la liberté d’entreprendre, l’initiative privée est qualifiée de plus efficace que le secteur public. On sait que Georges Courteline s’est fait un nom en caricaturant et moquant les « ronds-de-cuir », fonctionnaires fainéants, roublards, corrompus, cherchant à tuer le temps. Son roman « Messieurs les ronds-de-cuir », écrit en 1893, lui vaudra plus tard d’entrer à l’Académie Goncourt et la réputation des fonctionnaires sera habillée pour plus d’un demi-siècle. Il est vrai qu’à l’époque de la parution, la société française est encore très rurale et peu accoutumée à la vie urbaine, à son organisation, et que la République vient à peine de s’installer vraiment (1877). Car État républicain, laïcité et services publics sont étroitement liés.

Il sera de bon ton aussi, dans la deuxième moitié du XXème siècle, de critiquer le centralisme de cet État, voire son appétit à tout absorber…

 

Or c’est méconnaître l’histoire de la France. La monarchie française a besoin, dès son émergence (XVIIème siècle), de briser le cadre féodal, héritier de l’Ancien Régime, où les petits seigneurs locaux organisent leur pouvoir comme ils

 

La Révolution française et surtout
Napoléon Bonaparte vont
développer l’administration.

l’entendent et bien souvent traînent des pieds pour abonder le trésor royal, tout en pressurant la paysannerie … Les légistes du roi formés au droit romain sont en quelque sorte des agents de l’État monarchique, chargés de faire rentrer l’argent dans les caisses et ce sont des charges vénales, c’est-à-dire vendues pour un an renouvelable et ce système se généralise aux XVème et XVIème siècles. Le roi, ayant toujours plus besoin d’argent, vend de plus en plus d’offices. Les offices ont un caractère patrimonial et héréditaire. Par la suite, un corps spécifique de commissaires sera créé à la fois policiers et collecteurs d’impôts et de taxes. Ainsi se bâtit une administration royale et discrétionnaire, car l’emploi est temporaire et à la discrétion du roi. Il est clair que l’arbitraire n’est pas un registre rare et les commissaires sont vécus à la veille de la Révolution française comme des rançonneurs. La Révolution française et surtout Napoléon Bonaparte vont développer l’administration. L’empereur va la professionnaliser et l’administration sera centralisée.

N’oublions pas que la Révolution française et Napoléon Bonaparte cassent les régions issues de l’Ancien Régime et bâtissent, en quelque sorte, une haute fonction publique, dont le recrutement est endogamique chez les notables. Les fonctionnaires de rang subalterne sont recrutés dans les milieux modestes. Il est intéressant de noter à cette occasion que l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fait émerger la notion d’intérêt public et de puissance publique, voire d’expropriation : la propriété étant un droit inviolable et sacré. Nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. Mais c’est la IIIème République qui va installer la fonction publique. La fondation de l’école publique, l’élévation du niveau des études, l’extension des domaines à traiter posent la question de la formation des fonctionnaires et surtout des cadres. En 1876, le projet d’une école nationale d’administration est débattu. Une école privée de sciences politiques est même créée que Jules Ferry échouera à nationaliser en 1881.

Au début du XXème siècle, les fonctionnaires se recrutent sur concours et, pour la première fois, en 1919 les concours de rédacteurs sont ouverts aux femmes ! La syndicalisation, particulièrement chez les instituteurs, qualifiés de …

Lire la suite de l’article de Jean-Marie Bonnemayre dans le dernier numéro de “Familles Laïques” (n° 128 d’avril-mai-juin 2019.)
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