Nous ne résistons pas à cette analyse  du “Canard enchaîné” de ce 5 août ayant trait aux titres des films (surtout projetés en France). Cette présentation montre combien, avec la complicité des “gens qui comptent”, au nom de l’intérêt, de l’appétence du public “on” procède à l’abêtissement des spectateurs avec des titres qui n’ont plus rien à voir – ou si peu – avec l’esprit du réalisateur. Cet article s’inscrit dans la suite d’études sur l’invasion de l’anglais dans notre langage quotidien déjà publiées sur notre site.

Ces titres de film qui ont la French touch

 COCORICO ! ou plutôt “cock-a-doodle-doo” ! Un bon tiers des films sortant en salles chaque semaine en France portent désormais un titre en anglais, qu’ils viennent de Chine, d’Allemagne ou Je Corée.! Ce ne sont pas leurs titres originaux, mais souvent leur titre pour le marché International.

Prenons « Hotel by the River », subtil film intimiste du Coréen Hong Sang-soo, […] , son titre original était « Gangbyeon Hotel », un nom qui veut dire, en coréen, « au bord du fleuve » et désigne notamment une station de métro à Séoul. Au lieu du poétique « L’Hôtel du bord du fleuve », le spectateur français a droit à « Hotel by the River», tellement plus parlant!

Idem pour « Lands of Murders » (22/7), remake allemand du film espagnol « La Isla minima » (sorti sous ce titre original en 2014). Son titre en allemand était « Freies Land », « pays libre », l’intrigue étant transposée dans les Länder de l’Est « libérés » par la réunification de l’Allemagne… Mais l’ajout de « murders », en angliche, rend le titre tellement plus porteur, coco!

Les films espagnols ou sudaméricains sont les seuls, ou presque, à avoir le privilège de sortir parfois sous leur titre original, quand il n’est pas traduit en français, sans passer à la moulinette anglo-saxonne Ainsi « Madre » (22/7), « Tiempo después » (22/7) et « Nuestras Madres » (11/6). Privilège des langues latines, censées flatter l’oreille française ? Mais ça ne marche pas à tous les coups ! Le récent film américano-philippin d’Isabel Sandoval (117), sur les déboires d’une immigrante philippine à New York, est sorti aux Etats-Unis sous le titre « Lingua Franca », mais en France sous celui de « Brooklyn Secret ».

“Very Bad Sex Therapy.

Le comble est atteint avec les films américains dont le titre original est retraduit dans un anglais censé être plus transparent ou sexy pour les Français ! L’exemple le plus connu est la série de comédies hollywoodiennes « The Hangover » (2009,2011,2013, littéralement « la gueule de bois »), qui devient « Very Bad Trip » en français… Un titre frangliche qui a fait florès, puisque « The Other Guys » (20 10) a été traduit en français par « Very Bad Cops » !

La comédie de 2012 « No Strings Attached » (« sans engagement »), « sans liens sentimentaux ») est carrément devenue « Sex Friends » en France… De peur qu’on y voie une histoire de strings mal attachés ? Le mot « sex » est mis à toutes les sauces pour le marché français dans ces faux titres formés à partir de titres américains moins aguicheurs : « Sex Crimes », « Sex Trip », « Sex Academy », « Sex List »… La comédie de 2012 « Silver Linings Playbook » (littéralement « mode d’emploi du bon côté des choses ») est aussi devenue en France « Happiness Therapy »… Certes, les films de petits pays – scandinaves, par exemple – sortent parfois localement avec un titre en anglais, tels ceux du Suédois Roben Östlund, Palme d’or pour « The Square » (20.17). Or le film précédent d’ Östlund, déjà primé à Cannes, qui racontait les déboires d’une famille de skieurs divisée par une avalanche, est sorti en Suède sous le titre local « Turist ». Et à l’international sous celui de « Force majeure » – en français dans le texte, s’il vous plaît, pour une fois… Mais, en France, il est sorti sous le titre « Snow Therapy » !

Trop fun, n’est-il pas ?

David Fontaine

Mis en ligne le 07 Août 2020 : 11:30