Nous savions que les banques recouraient depuis quelques années à de multiples suppressions d’agences afin d’accroître leur rentabilité ou plus exactement afin de distribuer toujours plus de dividendes aux actionnaires. Nous savions aussi que ces suppressions d’agences entrainaient ipso facto des suppressions d’emplois c’est à dire une dégradation des services aux plus fragiles – les gros portefeuilles ont les moyens de se payer les services dont ils ont besoin, merci pour eux ! Nous savions aussi que les salariés de ces mêmes établissements bancaires, quand ils ne font pas partie des “charrettes” de licenciements sont devenus corvéables à merci et hommes – femmes le plus souvent – orchestres assurant de plus en plus de missions simultanées de l’accueil au responsable d’agence.
Mais voilà maintenant que la Banque de France, cette institution qui devrait être au service des citoyens, qui devrait les protéger de toutes les dérives des établissements bancaires, se met à son tour à licencier … et pas qu’un peu ! A quels desseins ?
C’est pour s’opposer à cette nouvelle dégradation du service public que de très nombreuses organisations associatives (dont le CNAFAL), syndicales et politiques, ont décidé d’apporter leur soutien et leur solidarité à l’appel initié par la CGT Banque de France et l’INDECOSA-CGT (association de consommateurs et d’usagers des services publics).
Halte à la saignée !
Dans la période de crise que nous traversons, le Gouverneur Villeroy de Galhau, ancien directeur général délégué de la BNP et véritable « Diafoirius », n’a qu’une seule réponse : « la saignée vous dis-je ! ».
Après avoir engagé une baisse de 20% des effectifs entre 2016 et 2020 et si son projet de 1000 nouvelles suppressions d’emplois aboutit d’ici 2024 (sans la moindre concertation préalable avec les représentants des usagers, associations de consommateurs ou d’élus) : plus de la moitié des effectifs serait ainsi “saignée” en moins de 20 ans (NB : La BDF comptait plus de 18 000 agents dans les années 90, 14 000 agents en 2005 et en compterait environ 8 700 en 2024 …).
Alors que l’Institution dégage en moyenne 6 milliards d’euros d’excédent par an depuis 10 ans, les répercussions de ces suppressions de personnel sur les relations avec les usagers, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises, seraient catastrophiques. Car, en aucun cas, le recours au numérique prôné par les dirigeants de la Banque ne peut remplacer le contact et l’expertise humaine des agents du service public que sont les salariés de la Banque de France.
Alors que le pays est malade, la Banque de France pourrait-être un des remèdes en :
Développant son activité au service de l’emploi et des entreprises. Depuis la crise de 2008, par exemple, la médiation du crédit assumée par la Banque de France a permis de sauver 400 000 emplois dans le pays (soit 40 fois les effectifs actuels de l’Institution). Aujourd’hui, après un an de crise sanitaire, les besoins en cette matière ont été multipliés par 14 (oui, 1 400% !) et les sollicitations des entreprises se multiplient.
Développant son activité auprès des usagers en difficulté, en situation de surendettement, demandeurs d’un recours au droit au compte bancaire… Cela est d’autant plus nécessaire que le ministre de l’économie et des finances, dans une réponse (publiée au JO du 25 mars 2021) à une question sénatoriale, déclare notamment : « alors que les effets de la crise perdurent, il ne peut être exclu qu’en 2021 de plus en plus de ménages voient leur situation financière fragilisée, voire basculent vers une situation de surendettement. »
Gardant tous ses services de caisses, seule solution pour garantir par la puissance publique l’approvisionnement de tout le territoire en billets. Le billet est le seul moyen de paiement gratuit et sûr pour toutes et tous. Le gouvernement de la Banque de France prétend pourtant en privatiser la gestion (tri et délivrance) dans 13 points du territoire sur 37, où il fermerait ses caisses au profit de Stocks Auxiliaires de Billets gérés par les sociétés privées Brink’s ou Loomis rémunérés pour cela par l’Institution.
Nos organisations associatives, syndicales et politiques, rassemblées et solidaires, convergent pour déclarer que les missions, les implantations et les agents de la Banque de France jouent un rôle irremplaçable au service des usagers et des territoires, dans l’exercice effectif de leurs droits légaux en matière de lutte contre l’exclusion financière et de lutte contre l’exclusion du crédit aux entreprises. Cet ensemble (missions de service public, implantations territoriales et personnels) est un vecteur de développement économique et social sans aucun équivalent qui contribue, de manière exceptionnelle, aux politiques d’aménagement du territoire, de cohésion sociale et de sauvegarde des bassins d’emplois.
Pour toutes ces raisons incontestables, l’approche comptable réductrice, privilégiée par le Gouverneur de la Banque de France, est manifestement contraire à l’intérêt général.
Aussi, il est plus que jamais nécessaire de débattre de l’avenir des missions de la Banque de France, de sa représentation territoriale et des moyens humains affectés avec la collectivité nationale (notamment les associations de consommateurs et d’usagers, les associations d’élus locaux et les représentants des TPE/PME) et les représentants du Personnel avant qu’un tel projet ne soit adopté.
Nous demandons donc une table ronde sur ce thème et un moratoire immédiat sur toutes les suppressions d’emploi prévues à la Banque de France, qui doit avoir les moyens d’aider le pays à sortir de la triple crise, sanitaire, sociale et environnementale.
Paris, le 12 avril 2021
Premiers signataires :
L’association de consommateurs INDECOSA CGT, ses organisations dans les territoires et ses représentants dans les commissions de surendettement, ATTAC, la Confédération Nationale du Logement, la fédération du logement des Landes, Alternative Mutualiste, le Conseil National des Associations Familiales laïques (CNAFAL), Convergence nationale des services publics, Droit à l’énergie SOS Futur, STOP Précarité, Résistance sociale, Émancipation collective, le Collectif Ne nous laissons pas tondre, le collectif « J’ose le gilet jaune », RPS FIERS, le Comité de Vigilance pour le maintien des services publics de proximité du 70, CSF Grand DAX, etc.
Le Parti Communiste Français, Europe Écologie Les Verts, La France Insoumise, Génération.s, la Gauche Républicaine et Socialiste, La Gauche Démocratique et Sociale, La Gauche Cactus, le Mouvement Républicain et Citoyen, Le Parti de Gauche, République et Socialisme. La FSU, Les fédérations CGT des finances, des banques et assurances et des services publics, la FNAF CGT. La CGT Fonction publique. Le comité national des travailleurs privés d’emplois et précaires de la CGT. Les syndicats de l’IEDOM Tahiti, le SNB/CFE-CGC IEDOM Martinique, la CGTG IEDOM Guadeloupe, la CGTR IEDOM La Réunion, la CGT IEDOM Mayotte. Les syndicats CGT BNP Paribas, Caisse d’Épargne, Crédit Mutuel, AXA, GMF Assurances, CNAV, l’Union des syndicats CGT du groupe Caisse des dépôts, la CGT Caisse des dépôts.
De nombreuses unions départementales et unions locales CGT (Ariège, Ardennes, Puy de Dôme, Côtes d’Armor, Issoire, Mont de Marsan, etc.), le syndicat CGT des cheminots du QNEMP (Quart Nord-Est Midi-Pyrénées), le syndicat CGT Santé du Brivadois, le syndicat SNCA e.i.l Convergence, etc.
Des personnalités telles Cathy APOURCEAU POLY Sénatrice Pas-de-Calais, Pascal TROADEC Adjoint au maire en charge de l’Emploi à GRIGNY (91) Conseiller de l’Agglomération Grand Paris Sud, Catherine LEVY sociologue, Nicolas UBELMANN réalisateur et documentariste, Jean-Claude TALLARON (membre du CA de Convergence service public), Georges MARTEL (Cap à gauche), etc.
Mis en ligne le 13 Avril 2021